Bernard Lututala Mumpasi - Professor/researcher

Bernard Lututala Mumpasi - Professor/researcher

Les migrations intra et extra-régionales dans le Sud : le cas de l'Afrique (2013)

Chapter in Les migrations Sud-Sud, Bruxelles : Observatoire ACP des Migrations


 

1. Introduction 

 

On estime à un peu plus d’un tiers [1] la proportion des migrations internationales dans le monde qui sont effectuées dans les pays du Sud. Cette proportion serait quasiment la même que celle des migrations internationales Sud-Nord ; elle représenterait plus ou moins 73 millions de personnes (UN DESA, 2012). Dans certains cas, que nous verrons plus loin, les migrations Sud-Sud seraient plus importantes, en termes de flux,  car les statistiques affichées sous-estimeraient le phénomène, à cause de leur faible fiabilité, particulièrement dans les pays du Sud (Observatoire ACP sur les Migrations, 2012) [2]. Cependant,  la politisation et la forte médiatisation des migrations Sud-Nord ont fini par rendre « invisibles » ces migrations Sud- Sud. Ce seul fait suffirait pour que des recherches approfondies soient menées sur ces migrations, en vue d’avoir une meilleure compréhension de ce phénomène qui est au cœur des transformations sociales et économiques du monde en général et du Sud en particulier, une autre compréhension que celle qui consiste à ne voir dans les migrants du Sud au Nord que des « voleurs des jobs » ou des « profiteurs de la sécurité sociale ».

Les migrations dans le Sud suscitent de multiples questionnements : quels sont les réseaux migratoires qui s’y dessinent ? Quels sont les pays d’immigration dans le Sud qui emboîtent le pas aux pays d’immigration du Nord ? Et quelles sont les logiques qui sous-tendent ces migrations ? Ces logiques sont-elles différentes de celles des migrations Sud-Nord ? Ce chapitre se focalise sur ces questionnements, en essayant de montrer 1) les processus migratoires intra et extra-régionaux dans le Sud, et plus particulièrement en Afrique ; 2) les motifs pour lesquels ces migrations sont effectuées, 3) leur rôle, et leur place,  dans la nouvelle configuration géoéconomique et géopolitique du monde ; 4) les nouvelles tendances qui apparaissent ; et 5) les liens entre les migrations intra et extra-régionales dans le Sud.

Etudier les migrations dans le Sud est un exercice téméraire. Car le Sud est pluriel ; il comprend des pays qui demeurent pauvres, et d’autres qui émergent sur le plan économique ; des pays autrefois colonisés et d’autres qui ne l’ont jamais été ; des pays aux systèmes politiques et de gouvernance différents ; des pays multiculturels et multiraciaux, et bien sûr des pays aux systèmes migratoires différents. Ceci nécessite donc une bonne compréhension de l’histoire et des dynamiques démographiques et migratoires des pays du Sud dans leur ensemble et de l’Afrique en particulier; ce qui n’est pas évident. Par ailleurs, les migrations en général, et les migrations au Sud en particulier,  demeurent un phénomène étudié par approximations, à cause de la faible pertinence et fiabilité de données pour rendre compte du caractère multidimensionnel, multipolaire, multiple et réversible du phénomène, et à cause aussi de la diversité de sa définition selon les pays et les époques.  Il nous semble que beaucoup d’études sur les migrations africaines souffrent d’un problème de représentativité des échantillons. Très souvent, des généralisations sont faites à partir de quelques migrants rencontrés lors de quelques interviews qui sont réalisés.

En dépit de la reconnaissance du rôle des migrations sur la dynamique des populations, les transformations sociales et les défis politiques, aucune enquête mondiale n’a été consacrée à ce phénomène,    alors que pour la fécondité, par exemple, une Enquête Mondiale de la Fécondité a été réalisée dans les années 80.  De plus, aucune question n’est posée sur les migrations dans les enquêtes nationales périodiques sur la démographie et la santé (les EDS), ou les enquêtes MICS  (Multiple Indicators Cluster Survey) de suivi de la situation des enfants et des femmes de l’UNICEF (voir par exemple RDC, 2002).  Les enquêtes 1-2-3 sur l’emploi, le secteur informel et la consommation n’ont été menées que dans certains pays [3] et permettent seulement d’estimer les flux et les statuts migratoires, comme c’est le cas avec les recensements (voir par exemple INS/RDC, 2004-5).

Signalons toutefois deux enquêtes qui ont permis d’avoir des données sous-régionales sur les migrations : l’Enquête Migrations et Urbanisation en Afrique de l’Ouest (REMUAO) menée dans les années 1990 et la Southern African Migration Project (SAMP) effectuée de 1997 à 2000. Cependant, l’accès aux données brutes de ces enquêtes reste difficile pour les chercheurs qui n’appartiennent pas aux institutions qui les ont réalisées.   Nous mentionnons aussi les enquêtes Gallup, quoiqu’elles se limitent à des études d’opinion sur les migrations internationales, et beaucoup moins sur les flux et les tendances migratoires.

 

2. Concepts, données et méthodes

 

La plupart des études sur les migrations dans le Sud commencent par résoudre au préalable une question méthodologique incontournable : que faut-il entendre par le Sud ? (Bakewell, 2009 ; Ratha and Shaw, 2007 ; Parsons, Skeldon and Winters, 2005; GFMD, 2012; Observatoire ACP sur les migrations; 2012). Il y a en effet plusieurs approches pour définir le Sud, selon que l’on considère leur niveau de développement (approche du UN DESA ), ou leurs revenus moyens (approche de la Banque mondiale) ou leurs indices de développement humain (approche du PNUD) (Bakewell, 2009 ; Observatoire ACP sur les migrations, 2012).  Dans chacune de ces trois catégories se retrouvent un certain nombre de pays qui sont considérés des fois comme des pays du Sud, des fois du Nord. Dans ce chapitre, nous allons utiliser une approche géoéconomique ; nous entendons par  « le Sud » les régions qui sont considérées par les Nations Unies comme étant sous-développées ou en développement. Il s’agit de l’Afrique, l’Asie (à l’exception du Japon) l’Amérique (à l’exception de l’Amérique du Nord), les Caraïbes, l’Amérique centrale, l’Amérique du Sud, l’Océanie (à l’exception de l’Australie et de la Nouvelle Zelande) (cfr http://www.unstat.un.org/unsd/methods/m49/m49 regin.htm). Cette approche géoéconomique prend en compte les inégalités entre les pays, les sous-régions et les régions,  ce qui est d’un grand intérêt pour mieux comprendre les systèmes migratoires dans le Sud. Elle permet aussi de mieux préciser les concepts qui sont utilisés. Ainsi les migrations intra-régionales sont celles qui sont effectuées à l’intérieur des régions identifiées ci-dessus, tandis que les migrations extra-régionales sont celles qui, vu par rapport à une région de référence,  sont effectuées en dehors de celle-ci. Les régions étant subdivisés en sous-régions, nous parlerons de migrations intra-sous-régionales pour désigner celles qui sont effectuées à l’intérieur des sous-régions (par exemple à l’intérieur de l’Afrique centrale), et de migrations inter-sous-régionales pour celles qui sont effectuées entre les sous-régions (par exemple entre l’Afrique centrale et l’Afrique australe) [4].

 

3. Les processus migratoires dans le Sud

 

Pour déterminer les processus migratoires dans le Sud, nous nous sommes basés sur l’estimation des flux migratoires dans les différentes régions du monde, qui a été réalisée par The Development Research Centre on Migration, Globalisation and Poverty (DRMGP)(Parsons, Skeldon, Walmsey et Winters, 2005). A  partir des données en provenance de différentes sources, notamment des recensements et des enquêtes réalisées pour d’autres fins, les chercheurs du DRMGP sont parvenus à construire une matrice qui donne les proportions des immigrants, et des émigrants, dans différentes régions du monde, ainsi que leurs régions d’origine ou de destination (tableau annexe 1). Sous réserve des considérations émises ci-dessus sur la qualité et les limites de telles données, on peut y déceler néanmoins quelques indications sur les processus  migratoires, et émettre des hypothèses sur les motifs des migrations intra et extra-régionales, et sur les liens entre les deux types  de migrations. Ces hypothèses seront par la suite consolidées par des études démographiques, anthropologiques, sociologiques, et historiques [5].

 

3.1. Les migrations intra-sous-régionales

 

Les migrations à l’intérieur de certaines « sous-régions » du Sud (sur la diagonale de la matrice) représentent plus de la moitié de l’ensemble de mouvements migratoires dans ces « sous-régions ». C’est notamment le cas en  Asie de l’Est, en Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud, en Amérique centrale, mais surtout en Asie du Sud et en Afrique au Sud du Sahara). Dans ces deux dernières « sous-régions » c’est même la quasi-totalité des migrations (81%-80 %) qui sont effectuées à l’intérieur de ces sous-régions respectives.  Les Caraïbes, mais surtout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, sont les deux sous-régions du Sud qui retiennent le moins leurs migrants dans leurs sous-régions respectives : elles n’en retiennent que 39 % et 35 % respectivement.  La plupart des migrants des Caraïbes vont vers d’autres « sous-régions » du Sud, notamment celles de l’Amérique du Sud, puis dans une moindre mesure de l’Asie, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.  Et la plupart des migrants des deux dernières « sous-régions » vont plutôt vers des « sous-régions » éloignées, à savoir en Asie du Sud et même en Afrique au sud du Sahara. Il s’agirait vraisemblablement de la migration des Libanais, mais aussi celle des Marocains,  dont tout le monde connaît l’ampleur et la dispersion à travers le monde (nous y reviendrons).

 

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Ces résultats confirment ce que d’autres chercheurs ont déjà montré (Hujo and Piper, 2007 ; Bakewell, 2007 ; Ratha and Show, 2007 ; GFMD, 2012 ; Observatoire ACP, 2012). Dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, par exemple, où les migrations internationales seraient plus importantes que partout ailleurs en Afrique (Ndiaye et Robin, 2010), l’enquête REMUAO (Réseau d’Enquêtes sur les Migrations et l’Urbanisation en Afrique de l’Ouest) avait montré qu’il y a nettement plus de migrants entre les pays de la sous-région Afrique de l’Ouest qu’avec ceux d’autres sous-régions de l’Afrique.  Et d’après les données des recensements, rapportées par Ndiaye et Robin (2010), les migrants à l’intérieur de l’Afrique de l’Ouest seraient au nombre de 7,5 millions,  ce qui représenterait plus ou moins 2,5 % de la population de cette sous-région . A titre d’illustration, la Côte d’Ivoire, qui est un des principaux pays d’immigration en Afrique de l’Ouest,  accueille surtout des migrants en provenance des pays frontaliers que sont le Burkina Faso et le Mali (Ndiaye et Robin, 2010 :14), tandis que  le Sénégal accueille surtout des migrants en provenance de la Guinée, et que  44 % des migrants qui sont partis de Dakar se sont dirigés vers les pays voisins (Flahaux, Beauchemin et Schoemaker, 2010). 

C’est la même situation qui est observée dans d’autres sous-régions de l’Afrique. Ainsi, en Afrique du Sud, autre pays important d’immigration en Afrique, on y dénombre surtout des Mozambicains, des Zimbabwéens, des Namibiens. Les études qui viennent d’être faites à Kinshasa (RD Congo) aboutissent au même constat : 76 % de migrants en provenance de Kinshasa se sont dirigés vers les pays frontaliers (Angola, Congo Brazzaville) (Flahaux, Beauchemin et Schoemaker, 2010). Et les profils migratoires nationaux établis par l’Organisation Internationale de la migration (OIM) aboutissent au même constat : 37 % de migrants camerounais entre 1995 et 2005 se sont dirigés vers les pays frontaliers : Gabon, Nigéria, Centrafrique, Tchad, et Congo Brazzaville (Evina, 2005) ;  pour ce qui est du Mali, la proportion des migrants maliens observés dans les pays frontaliers (Côte d’Ivoire, Sénégal, Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Algérie, Guinée) est de 72,9 % (Ballo, 2009) ; et pour le Niger, cette proportion est de 42,7 % dans les pays frontaliers (Burkina Faso, Nigéria, Bénin) (Issaka Maga Hamidou, 2009).

 

3.2. Les migrations extra-régionales Sud-Sud

 

Dans l’ensemble, les échanges migratoires entre les régions du Sud sont plutôt faibles (voir aussi GFMD, 2012 ; Observatoire ACP, 2012 : 5).  Elles sont même plus faibles que les migrations Sud-Nord (figure 1). Ainsi, 5 % seulement des migrants observés en Afrique au sud du Sahara vont vers les autres régions du Sud, contre 3 % pour l’Afrique du Sud, 8 % pour l’Asie de l’Est, 6 % pour l’Asie du Sud Est, 6 % pour l’Asie du Sud, 8 % pour l’Amérique du Sud, 15 % pour l’Amérique centrale, 12 % dans les Caraïbes, et 47 % pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Et il ne  semble pas y avoir des échanges migratoires significatifs entre l’Amérique centrale, et quelque peu entre les Caraïbes d’une part, et les autres régions du Sud d’autre part (voir figure 1).

 

4. Les contextes géographique, économique et historique comme déterminants des processus migratoires

 

Les processus migratoires dans le Sud identifiés ci-dessus semblent s’inscrire dans  trois contextes : le contexte géographique où la proximité favorise les échanges migratoires entre deux pays, sous-régions ou régions ;  le contexte économique où les pays et sous-régions les plus nantis sont plus attractifs vis-à-vis des populations des pays et sous-régions pauvres ; et le contexte politico-historique où les guerres et l’insécurité politique favorisent des migrations forcées, et  volontaires, vers des pays, sous-régions et régions du Sud plus stables politiquement et mieux gouvernés   Ces contextes donnent lieu à plusieurs types ou motifs de migrations que d’autres chercheurs ont déjà évoqués.   Souchaud (2009) a identifié la prédominance des réfugiés parmi les migrants du Sud, les migrations forcées et les migrations de transit, les migrations de main-d’œuvre, et la féminisation des migrations dans le Sud.  Ratha et Shaw (2007) évoquent la proximité, les réseaux sociaux, les écarts des revenus, la saisonnalité, les transits, le petit commerce, les conflits et la détresse comme facteurs de migration dans le Sud. Bakewell (2009) mentionne l’influence de la colonisation (migrations forcées, esclavage),  des conflits de la période postcoloniale, et  de la recherche des meilleures conditions de vie.  L’Observatoire ACP sur les migrations  ajoute, en plus,  l’effet des économies émergentes, la coopération Sud-Sud et l’adoption des mesures restrictives dans les pays du Nord (Observatoire ACP, 2012 : 6). Nous résumons quant à nous dans le tableau n° 1 qui suit les différents types des migrations dans le Sud, les contextes dans lesquels ils s’inscrivent et les facteurs qui les déterminent.

 

Tableau n°1 : Types de migrations effectuées dans le Sud et les facteurs et contextes qui les déterminent

 

Facteurs de la migration

Types de migrations

Contexte géographique

Contexte économique

Contexte politico-historique

Coût de la migration

Migrations de proximité, Migrations circulaires

Migrations de transit, Migrations irrégulières

Migrations transfrontalières, Migrations irrégulières

Existence des réseaux sociaux

Migrations familiales, Migrations circulaires

Migrations circulaires

Migrations familiales

Mode de production

Migrations saisonnières

Migrations de main-d’œuvre

Migrations forcées

Pauvreté/écarts de revenus

Migrations de main-d’œuvre, Migrations irrégulières

Migrations de main-d’œuvre et exode des cerveaux

Migrations de main-d’œuvre et exode des cerveaux

Crises politiques / guerres

Migrations de transit, Migrations irrégulières, Migrations forcées

Migrations irrégulières

Migrations forcées (populations déplacées, réfugiés)

 

4.1. Le contexte géographique

 

La plupart des mouvements migratoires se font sur une courte distance, selon une des « lois [classiques] de migration » (Ravenstein, 1885).  En effet, l’acte migratoire a un coût, et la proximité géographique de deux régions ou deux sous-régions,  permet de migrer à des coûts relativement faibles. C’est le cas en Afrique au sud du Sahara, où les niveaux de pauvreté ne peuvent permettre d’assumer des coûts de migration élevés, notamment ceux de transport (voir aussi GFMD, 2012 : 5), et où il suffit parfois de prendre l’autocar ou le train, ou même de traverser la frontière à pied,  pour se retrouver dans le pays voisin.  La porosité des frontières dans ce continent facilite encore plus ces migrations de proximité. C’est notamment le cas lors des guerres et autres troubles politiques [6], mais c’est aussi le cas lorsque les populations frontalières se retrouvent dans des espaces économiques qui s’étendent sur plusieurs pays différents (Brachet, 2007).

Les réseaux sociaux réduisent aussi, pour ainsi dire, les distances et contribuent dès lors aux migrations de proximité, circulaires, et familiales. En effet, selon la théorie migratoire des réseaux (Zlotnik, 2003), les réseaux familiaux favorisent  la propension à migrer et concourent à la prise en charge des coûts de la migration, dont le coût lié à l’insertion socioéconomique au lieu de destination.  Bien que résidant dans des pays dont les frontières sont héritées de la colonisation et ont été tracées à la Conférence de Berlin (1885), les populations de certains pays africains, si pas la plupart,  ont les mêmes origines, les mêmes ancêtres, appartiennent à une même ethnie, que celles des pays voisins. C’est notamment le cas des populations qui appartenaient autrefois à l’Empire Kongo, et qui se retrouvent aujourd’hui en Angola, au Congo, et en RD Congo, ainsi que des populations de l’Afrique de l’Ouest (Adepoju, 1984). En conséquence, ces populations se fréquentent, et effectuent donc des migrations circulaires voire permanentes  entre les différents pays où elles résident. Les membres des familles et clans, qui habitent dans les pays voisins, sont considérés comme étant des membres extra-locaux, qui restent néanmoins rattachés à leur résidence familiale de base. Ces membres extra-locaux contribuent à l’arrivée d’autres membres de famille en provenance des pays d’origine ou des pays voisins.  Ainsi se créent des chaînes migratoires familiales (Lututala, 1989).   

La proximité géographique favorise également les migrations saisonnières là où prédomine un mode de production basée essentiellement sur l’agriculture, la transhumance, ou le commerce transfrontalier. Enfin, le   contexte géographique détermine les migrations forcées lorsque surviennent des crises environnementales et climatiques. La sous-région de l’Afrique de l’Ouest connaît particulièrement une migration rurale-urbaine importante depuis les années de la sécheresse qui a secoué cette région.

 

4.2. Le contexte économique

 

Les processus migratoires observés ci-dessus suggèrent  que la propension à migrer est fortement liée au contexte économique. Les migrants vont dans les pays qui sont plus nantis économiquement parce qu’ils sont à la recherche de meilleures conditions de vie et de travail, pour sortir de la pauvreté. Ce que toutes les théories et modèles explicatifs sur les migrations postulent (Lututala, 1995).  La prédominance des migrations intra-sous-régionales ou vers des sous-régions voisines en Afrique et en Asie du sud reflète un  contexte de pauvreté,  parce que, comme nous venons de le voir, les populations pauvres ne peuvent supporter des coûts de migration plus élevés et de migrer, ou de migrer directement,  vers des régions plus éloignées. Ce que note aussi Bakewell (2009). On sait aussi que les populations pauvres sont relativement moins instruites, moins branchées au système mondial, et ont donc moins d’opportunités d’employabilité en dehors de leurs continents.  

Par ailleurs, les régions ou sous-régions les plus puissantes économiquement accueillent des migrants en provenance d’autres régions ou sous-régions. C’est le cas de l’Afrique centrale, ou des pays comme le Gabon, le Congo et l’Angola ont accueilli plusieurs migrants en provenance de l’Afrique de l’Ouest (du Sénégal, du Mali ou du Nigéria) (Lututala, 2007 ; Ngoie Tshibambe, 2010). C’est aussi le cas de l’Afrique du Sud qui est devenue, depuis la fin de l’Aparthéid en 1990, le nouvel eldorado des Africains qui veulent émigrer (Dika, 2009).

Suite à ces inégalités, et pour vaincre ce qui apparaît comme un obstacle à leurs migrations, les populations pauvres  effectuent parfois voire souvent des migrations de transit, ou des migrations irrégulières ;  le transit leur permet de réunir les moyens financiers et autres (notamment les visas) nécessaires pour effectuer des migrations extra-régionales. Nous reviendrons sur ce lien entre les migrations intra et extra-régionales sous-tendu par la pauvreté.  

Mais les déséquilibres économiques n’expliquent pas à eux seuls l’existence des migrations entre deux pays ou sous-régions.  En effet, deux pays frontaliers peuvent être économiquement éloignés si aucun d’eux n’offrent des facteurs attractifs. Leurs échanges migratoires seront par conséquent faibles. Ainsi, si la Côte d’Ivoire a surtout accueilli des migrants d’origine burkinabé, c’est d’abord parce que ces deux pays sont proches économiquement, le Burkina Faso ayant servi de réservoir de la main-d’œuvre qui devait travailler dans les plantations de cacao en Côte d’Ivoire pendant la colonisation française (Coulibaly, Gregory et Piché, 1980). A l’inverse, il y a moins de burkinabé dans la Guinée voisine  qu’en France, pourtant plus éloignée géographiquement mais proche économiquement, parce que l’interdépendance économique entre le Burkina Faso et la France est plus importante que celle qui existe entre le Burkina et la Guinée.

On peut en dire autant en ce qui concerne les migrations congolaises. Si, comme  le montrent Flahaux, Beauchemin et Schoumaker (2010),  la proportion d’émigrants qui sont partis de Kinshasa vers les pays frontaliers est nettement plus élevée (76 %) que celle d’émigrants partis de Dakar (44%), c’est probablement parce que la précarité de la situation économique de la RD Congo est telle que les pays voisins sont beaucoup plus proches économiquement, c’est-à-dire qu’ils sont plus attractifs,  que ce n’est le cas des pays frontaliers du Sénégal. L’Angola et le Congo Brazzaville  ont des niveaux de vie et des possibilités d’emploi nettement plus élevés que la RD Congo ; ils attirent par conséquent beaucoup de Congolais qui y effectuent des migrations circulaires, permanentes, fussent-elles irrégulières.

 

4.3. Le contexte politico-historique

 

L’Afrique au sud du Sahara a connu plus de 30 conflits politiques qui se sont soldés par des guerres au cours des deux dernières décennies. Elle a connu d’autres turbulences politiques liées notamment au processus de démocratisation, aux enjeux électoraux, à la lutte pour le pouvoir. Ce contexte influe sur les migrations de deux manières.  Il pousse d’abord les populations à quitter leurs lieux de résidence pour se mettre à l’abri en cas de guerre. Des pays comme le Rwanda, la Côte d’Ivoire, la RD Congo, le Soudan, la Lybie, le Mali ont offert au monde les tristes images de milliers de personnes fuyant la guerre et cherchant un abri. Certaines, appelées personnes déplacées,  se dirigent vers des endroits situés à l’intérieur du pays. La RD Congo, où ces crises persistent depuis 1996, a enregistré jusqu’à 3,4 millions de personnes déplacées dans les années 1996-2003 (Zeender et Rothing, 2010). D’autres se refugient dans les pays voisins. La conséquence en est que c’est en Afrique au sud du Sahara que l’on trouve le plus grand nombre de réfugiés et de populations déplacées au monde. D’autres encore décident de rentrer dans leurs pays d’origine lorsque leur nouveau pays de résidence connait une crise politique grave. Nous reviendrons sur le cas des migrants d’origine sub-saharienne qui ont du quitter  la Libye au moment des récents troubles politiques.

Il semble cependant  que ces migrants ne s’éloignent pas beaucoup de leurs résidences habituelles et que leurs migrations ne sont que temporaires, le temps d’attendre que l’accalmie revienne pour qu’ils retournent chez eux (voir aussi  GFMD, 2012 : 4).

Enfin, les migrations dans le Sud semblent s’inscrire dans une certaine tradition historiquement établie, celle des migrations massives des populations liées à un mode de production basé soit sur l’agriculture vivrière, soit sur l’élevage, soit sur le commerce ; liées aussi à des phénomènes environnementaux tels que la sécheresse et d’autres cataclysmes naturels; liées également à la traite des esclaves et à la colonisation. Des liens se sont établis historiquement entre les pays d’origine et ceux de destination, liens qui servent en quelque sorte de soubassement des tendances migratoires actuelles. Nous y reviendrons au point suivant.

 

5. Les  nouvelles tendances des migrations inter-régionales dans le Sud

 

Cette section traite des nouvelles tendances migratoires observées dans le Sud, ou plutôt en Afrique. Nous nous focaliserons sur quelques cas : celui des migrations intra-régionales en Afrique, des flux migratoires entre la Chine et l’Afrique, entre l’Inde et l’Afrique, entre le Liban et l’Afrique, et entre l’Afrique et l’Amérique du Sud, notamment le Brésil et l’Argentine. Ces flux sont celles qui caractérisent le plus les tendances actuelles des migrations entre l’Afrique et les autres régions du Sud.

 

5.1. Les nouvelles tendances des migrations intra-régionales en Afrique

Quatre tendances migratoires nouvelles sont observées en Afrique : une réorientation des flux migratoires pour quelques pays, l’apparition de nouveaux pays d’immigration, une montée des migrations de transit, et une augmentation des migrations de retour. En ce qui concerne la réorientation des flux migratoires, on observe que des pays qui étaient autrefois des pays d’immigration sont devenus des pays d’émigration, ou vice-versa, ou les deux à la fois. Le Sénégal, le Gabon, le Nigéria, la RD Congo sont parmi les pays qui connaissent ce fait. Dans le cas du Sénégal, ce pays a pendant longtemps été un pays d’immigration, à cause de l’importance de l’économie arachidière, mais aussi du rôle politique qu’il a joué en Afrique Occidentale Française. Cependant, à  partir des années 1970, le Sénégal, secoué par la crise arachidière, entre autres, et donc par une diminution de son attractivité sur les pays voisins, a connu une baisse relative de l’immigration. En même temps, et pour les mêmes raisons, les populations sénégalaises ont commencé à sortir elles aussi de leurs milieux d’origine. Ce sont d’abord  les ressortissants du bassin arachidier qui affluèrent vers les villes sénégalaises, et surtout Dakar ; par la suite, c’est à une intensification de  l’émigration des citadins vers d’autres pays qu’on assiste (Ba, 1994 ; Ndiaye et Robin 2010 ; Sall, 2010 ; Ndiaye, 2010). 

Le durcissement des lois d’immigration dans les territoires du Schengen en Europe, a donné lieu à deux effets sur les migrations africaines. Le premier est celui de contraindre nombre de candidats migrants à émigrer vers d’autres pays que les pays européens, et parmi lesquels certains pays africains comme l’Angola, le Gabon et l’Afrique du sud, mais aussi aux Etats-Unis, en Amérique du sud (Brésil et Argentine) ou  en Asie (Chine et Inde notamment). On peut véritablement parler d’une apparition de nouveaux pays d’immigration. En Afrique, c’est l’Afrique du Sud qui est en tête du pèleton, suivi de la Lybie (Hein de Haas, 2007).  Depuis la fin de l’Apartheid, l’Afrique du Sud est indiscutablement  la nouvelle puissance économique et politique qui s’est ouverte à l’Afrique et au monde.  Elle a affiché sa volonté d’accueillir sur son sol de migrants pouvant contribuer à sa refondation et à son dynamisme économique (Dika, 2009). Ainsi, aux migrants d’origine indienne qui se sont installés en Afrique du sud (nous y reviendrons), et aux travailleurs-migrants dans les mines en provenance des pays voisins (Zimbabwe, Mozambique, Namibie, etc), sont allés s’ajouter de milliers de migrants de profession et d’origine diverses. Les universités sud-africaines ont accueilli de milliers d’étudiants en provenance d’autres pays africains, notamment pour des études au niveau du troisième cycle. Les rues sud-africaines comptent un nombre considérable de commerçants ambulants, venus surtout du Sénégal, du Nigéria, de la RD Congo. Certains chiffres sont avancés : la RSA aurait accueilli jusqu’à plus ou moins 350 000 migrants en provenance du Mozambique, près de 23 000 Congolais de la RD Congo au début des années 1990, etc. (Dika, 2009).

Quant à la Lybie son émergence comme pays d’immigration semble résulter de facteurs politiques (volonté du Guide Kadafi de jouer un rôle plus important en Afrique), économique (boom pétrolier et besoins de main-d’œuvre dans les mines) mais aussi du rôle joué par les anciens migrants pour faire venir en Libye d’autres migrants membres de leurs familles, pays ou leurs amis (Hein de Haas, 2070).

L’Angola est aussi devenu un grand pays d’immigration ; il a accueilli un grand nombre de migrants en provenance de la RD Congo, et serait même devenu le premier pays de destination de ces derniers (Mangalu, 2011). Cependant, en Afrique du sud comme en Angola et en Libye, de milliers de migrants irréguliers sont constamment expulsés, dans des conditions fortement décriées, qui s’apparentent beaucoup à celles des expulsions qui sont opérées en Europe, et qui mettent en mal la solidarité et l’intégration africaines (Lututala, 2007).

En ce qui concerne la montée des migrations de transit, on observe que  suite à la pauvreté et aux difficultés pour obtenir les visas d’entrée dans les pays d’immigration, il est difficile pour  un bon nombre de migrants d’aller directement de leurs pays d’origine aux pays de destination où ils souhaiteraient se rendre. Ils sont obligés d’effectuer des migrations de transit.  Les pays de transit sont ceux que les migrants considèrent, à tort ou à raison, comme bénéficiant d’un peu plus de largesse en matière d’octroi de visas, ou étant à proximité des pays de dernière destination envisagée.  Deux cas, parmi d’autres,  peuvent être cités. Celui du Sénégal, et particulièrement de Dakar, où affluent  de centaines et peut-être de milliers de migrants en provenance de la Mauritanie, de la Guinée Bissau, de la Guinée, de la RD Congo,  qui viennent gonfler le nombre de candidats à la migration vers d’autres régions du Sud ou les pays du Nord à partir du Sénégal, alors qu’en même temps plusieurs migrants sénégalais partent, on l’a vu,  vers d’autres continents. Le deuxième cas est celui des pays de l’Afrique du Nord qui accueillent plusieurs migrants en provenance de l’Afrique au sud du Sahara et en partance vers des pays du Nord, du Moyen Orient, ou d’Asie en traversant la  mer Méditerranée ou le fleuve Nil (Brachet, 2007, Hein de Haas, 2007).  

Il faut noter cependant que certaines migrations intra-régionales, pourtant voulues comme des migrations de transit, ont tendance à devenir des migrations permanentes. Beaucoup de migrants jettent l’ancre dans ces pays de transit, pour reprendre l’expression de Honerou (2007), et se résignent à s’y installer, faute d’avoir réussi ou en attendant de réunir les moyens nécessaires, ou parce que les passeurs leur ont ravi tous les moyens dont ils disposaient,  pour poursuivre leurs cheminements migratoires. Ils s’y résignent malgré les risques qu’ils courent de devenir des clandestins et de subir alors la rigueur de la loi qui réprimande ces migrations irrégulières. En Lybie, par exemple, de milliers de migrants africains sont aujourd’hui dans les prisons à cause du caractère irrégulier de leur présence dans ce pays. Mais pas seulement, parce que la Libye est un des pays africains qui ont été contraints de mettre en application des mesures de l’externalisation des contrôles de frontière pour empêcher l’entrée irrégulière des migrants dans les pays européens (Brachet, 2007, Hein de Haas, 2007).

L’augmentation des migrations de retour est une des conséquences des crises politiques dans les pays d’immigration. Ces crises ont contraint de milliers de migrants qui y séjournaient à retourner dans leurs pays d’origine, bien malgré eux, et souvent en catastrophe. C’est le cas des migrants qui s’étaient installés en Côte d’Ivoire : des burkinabés, des sénégalais, des maliens, pour ne citer que ceux-là, qui sont retournés dans leurs pays d’origine à la suite des crises électorales successives que la Côte d’Ivoire à connu depuis 2002. Au Burkina Faso par exemple, le recensement général de la population et de l’habitat de 2006 a dénombré 610 805 migrants burkinabés de retour dans leurs pays d’origine entre 1996 et 2006 (Ndiaye et Robin, 2010 : 27). Par ailleurs, la crise en Lybie, qui a conduit à la chute du Guide Mohamar Kaddafi, a contraint elle aussi de milliers de migrants africains à retourner dans leurs pays d’origine, souvent dans des conditions inhumaines qui ont été décriées. Leur nombre a même étonné plusieurs chercheurs qui ignoraient que la Libye, réputé pour être un pays qui se recroqueville,  avait accueilli autant de migrants en provenance d’autres pays africains (Hein de Haas, 2007).  D’autres migrations de retour sont soit voulues par les migrants eux-mêmes, soit suscitées par les pays d’accueil. Deux études de cas, celle du Sénégal et de la RD Congo le montrent bien (Flahaux, Beauchemin et Schoemaker, 2010 ; Flahaux, 2012).

 

5.2. Les migrations entre l’Afrique et la Chine

 

Les migrants chinois en Afrique sont considérés par certains auteurs comme de « nouveaux envahisseurs » ((Curtis, 2010, Bredeloup et Bertoncello, 2006 : 200, Gehrold and Tietze, 2011). Et pourtant, la migration des Chinois en Afrique n’est pas un fait récent ; c’est en effet depuis le début de la période coloniale que les Chinois sont travaillent en Afrique dans différents chantiers de « mise en valeur des colonies ». Ils ont, par exemple,  été recrutés, dans les années 1890,  au nombre de 540 pour travailler dans la construction du chemin de fer Matadi-Kinshasa en RD Congo, dont les travaux ont duré de 1891 à 1898 (Cornet, 1947). Au Congo Brazzaville aussi, 600 Chinois ont été recrutés pour la construction du chemin de fer Congo-Océan (Sautter, 1967) ; tandis que d’autres Chinois ont également contribué à la construction du chemin de fer au Niger (Sautter, 1967).

Le deuxième moment fort des migrations des Chinois en Afrique part de la Conférence de Bandung en 1955, qui avait réuni les pays non-alignés voulant s’affranchir de l’influence de l’Union Soviétique et de l’impérialisme occidental (…..). La Chine s’y était alors présentée comme une « troisième voie ». Mais c’est depuis les années 1970 que le nombre de Chinois en Afrique a commencé à augmenter. En fait, cette nouvelle tendance de l’immigration des Chinois en Afrique est en rapport avec l’intérêt politique et économique que la Chine témoigne sur l’Afrique, et ce dans le cadre d’une certaine « solidarité sino-africaine se construisant contre l’impérialisme » (Bredeloup et Bertoncello, 2006 :201).  En effet, depuis le début des années 1970, des entrepreneurs chinois réalisent d’importants travaux d’infrastructures routières, culturelles, sportives, immobilières dans beaucoup de pays africains. Ils ont construit des Palais du Peuple (au Congo Brazzaville, en RD Congo, …), des installations sportives (le stade LS Senghor au Sénégal, le stade des Martyrs en RD Congo,…), des routes et autoroutes (au Rwanda,…), des chemins de fer (en Angola,…), des aéroports, etc.      

Deux éléments du contexte expliquent donc cette montée de l’immigration des Chinois en Afrique. Sur le plan politique, la Chine cherche à s’imposer comme une puissance politique alternative : soutien au combat contre l’apartheid et aux mouvements nationalistes, non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats (Bredeloup et Bertoncello, 2006), effacement de la dette des pays africains, octroi des prêts sans intérêts ou avec des conditions souples de remboursement, développement d’ « un nouveau type de partenariat stratégique (…) caractérisé par l’égalité et la confiance réciproque sur le plan politique, la coopération conduite dans l’esprit gagnant-gagnant sur le plan économique, et le renforcement des échanges culturels » (Livre Blanc, 2006).  Sur le plan économique, la Chine s’intéresse aux matières premières, mais aussi, depuis quelques années, aux étendues de terre pouvant permettre de grandes exploitations agro-industrielles; elle s’intéresse au marché africain comme un débouché de ses produits ; et d’après Bredeloup et Bertoncello (ibidem), on comptait plus ou moins 600 entreprises chinoises en Afrique en 2006.

Les pays africains pour leur part sont réceptifs, voire satisfaits de cette influence et présence chinoise.  Sur le plan politique, ils voient la Chine comme un contrepoids par rapport à la domination et aux conditionnalités dont ils sont l’objet de la part des pays occidentaux. Le principe (chinois) de la non-ingérence avantage les pouvoirs en place. Sur le plan économique, la présence chinoise est une véritable bouffée d’oxygène pour les économies africaines, à la recherche  d’investisseurs, de nouveaux capitaux, tandis que les consommateurs africains sont ravis de se retrouver avec des produits chinois dont les coûts sont en rapport avec leurs bourses, même si la qualité de ces produits est souvent décriée.  Cette coopération sino-africaine s’institutionnalise : tenue régulière, depuis 2000, du  FOCAC (Forum on China-Africa Cooperation), du « forum des thinks-tanks sur l’Afrique et la Chine » (le CATTF : China-Africa Thinks-Tanks Forum), etc.

Ce contexte politique et économique de la solidarité sino-africaine a, pour ainsi dire, balisé le chemin des nouvelles tendances de la migration des Chinois en Afrique. Ainsi, outre les entrepreneurs et travailleurs chinois qui affluent sur le continent pour travailler dans les nombreux chantiers, et dont on peut penser que certains d’entre eux ne retourneront pas en Chine à l’issue des travaux, plusieurs autres Chinois viennent de leur propre gré pour exercer dans le commerce, les restaurants, etc. Mais en dépit de cette présence manifeste de la Chine en Afrique, on ne connaît pas le nombre exact de migrants chinois en Afrique. Les estimations qui sont présentées varient considérablement, de sorte qu’il est difficile d’y faire foi : 130 000 en 2006 (Bredeloup et Bertoncello, idem), 2 millions en 2012 (Bodomo 2009), 270 000 à 510 000 (Ma Mung, 2009 dans Observatoire ACP sur les migrations, 2012 : 7), etc.

La même incertitude existe en ce qui concerne l’immigration des Africains en Chine. Pour Bodomo (2009), ils seraient au nombre de plus ou moins 500 000, dont 20 000 pour les seuls étudiants africains (12 000 boursiers et 8 000 non boursiers). Ces chiffres sont remis en cause par Brautigan (2009) pour qui il n’y aurait pas plus de 5 500  africains en Chine. En dépit de cette « querelle  des chiffres », on doit admettre que les immigrants africains en Chine constituent une communauté de plus en plus importante, depuis 1980,  année au cours de laquelle les premiers commerçants africains seraient arrivés en Chine (Coloma 2010).  Depuis lors, les immigrants africains en Chine se sont diversifiés ; on y trouve des commerçants, des étudiants, des sportifs, des artistes, des enseignants (Bodomo 2009). Les enseignants se retrouvent aussi bien au niveau secondaire qu’universitaire. Pour ce qui est des commerçants, ils sont présentés comme faisant la connexion entre les entreprises chinoises et leurs pays d’origine, et feraient des affaires plus juteuses qu’en Occident (Coloma 2010). Par ailleurs,  l’étude de Bodomo (2009) signale que les immigrants africains ne se cantonnent pas dans les grandes villes telles Beijing, Hong Kong, etc. On les trouve aussi, et ce de plus en plus, dans les villes secondaires telle que Ghangzhou, voire dans les villages de la Chine. L’étude montre aussi que ces immigrants viennent principalement des pays suivants : Nigéria, Mali, Ghana,  Guinée, RD Congo, Sénégal, Côte d’Ivoire, Niger, Tanzanie, Gambie et Cameroun.  

Les immigrants africains en Chine sont déjà accusés d’envahir la Chine et rencontrent des difficultés d’insertion. Le gouvernement chinois a mis en place une nouvelle réglementation, une politique d’immigration sélective, pour favoriser les migrants qui ont des hautes compétences. Il en résulte que de nombreux immigrants africains ont des difficultés pour renouveler leurs visas et se retrouvent en situation irrégulière. Certains n’hésitent pas à recourir aux mariages mixtes pour s’insérer dans l’économie chinoise, notamment pour créer une entreprise (Coloma 2010).  Les recherches font état d’un certain chauvinisme chinois vis-à-vis des immigrants africains et d’incidents entre la police chinoise et ces derniers (Coloma 2010, Haugen, 2012).

 

5.3. Les migrations entre l’Afrique et l’Inde

 

La présence des immigrants indiens en Afrique n’est pas non plus un fait nouveau. L’Afrique est même une de leurs premières destinations (Dennery, 1928). Ils ont commencé à y affluer dès 1834, notamment en Ile Maurice et au Natal (Afrique du Sud). Ces premières vagues de migrations indiennes ont été constituées des travailleurs-migrants engagés sous-contrat, pour travailler dans les champs de canne à sucre désertés par les esclaves noirs après l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques (en 1834) (Singaravelou, 2003).

La deuxième vague des migrations indiennes (fin du 19ème siècle à l’indépendance de l’Inde)  a été constituée de travailleurs-migrants qui se sont fait recruter spontanément en Inde pour aller travailler comme ouvriers agricoles, ou comme commerçants, petits artisans, et prêteurs. Ils se sont dirigés vers les anciennes destinations des travailleurs-migrants cités ci-haut, mais aussi vers l’Afrique de l’Est, le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda. (Denny 1928).  Les migrants de ces deux premières vagues ont réalisé de grosses fortunes qui ont été à la base d’une suspicion voire d’une jalousie, ce qui a conduit à des mesures restrictives, notamment le refus de leur faire accéder à la propriété foncière, la limitation de leur marché pour la vente de leurs marchandises, etc. En retour, ces  mesures ont provoqué une indignation et des protestations chez les migrants indiens ; elles ont conduit à forger une identité nationale, le sentiment de constituer une diaspora indienne, au sens que Singaravelou (2003 : 21) donne au concept diaspora, c’est-à-dire

« une catégorie sociale qui est le résultat de migrations forcées, ou volontaires ; (…) maintenant consciencieusement une identité collective en référence à une origine commune, mythique ou non, à une expérience historique, et a un lien fort à un lieu d’origine, réel ou non ; tissant des réseaux transcendant les territoires nationaux et créant des structures communautaires dans les territoires d’accueil ; maintenant des relations plus ou moins étroites avec les régions d’origine ; entretenant des relations de solidarité avec les compatriotes installés dans d’autres terres d’immigration ; nourrissant à l’égard des populations autochtones des sentiments d’exclusion, de différence, de supériorité ou d’antagonisme ».  

Plusieurs autres facteurs ont poussé les Indiens à la migration et à alimenter cette diaspora : l’irrégularité des pluies qui a occasionné celle des récoltes et le chômage ; la disparition des industries familiales agricoles ; la baisse de la demande de main-d’œuvre à cause de l’introduction des cultures commerciales ; le déclin des industries locales à la suite de l’introduction du machinisme ; un régime foncier basé sur le système de classes et excluant certaines personnes de l’accès à la terre, les condamnant à être des domestiques ou des journaliers ; dettes contractées et servitude ; insécurité du travail et des conditions de vie (Dennery 1928).

La troisième vague des migrations indiennes est plus récente, elle a commencé peu avant l’indépendance de l’Inde et s’est renforcée après celle-ci. Elle s’est caractérisée par des migrations libres avec intention de s’installer définitivement dans les pays d’accueil, et a été effectuée par des travailleurs qualifiés et non-qualifiés, des personnes exerçant des professions libérales, etc.  Elle s’est orientée surtout en Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie et Ouganda) et en Afrique  du Sud, où elles ont investi la province de KwaZulu Natal [7]

Adam (2010) note que les migrants indiens « ont largement rompu leurs attaches avec la patrie de leurs ancêtres (…) et l’Inde représente pour eux un pays étranger, et non un pays d’une quelconque migration de retour.  Mais si la majorité des migrants indiens détient la nationalité des pays d’accueil (Kenya, Tanzanie, Ouganda),  leur identité nationale africaine est plutôt composite : elle est transnationale, et « supérieure à celle des Etats-nations (…) la dispersion des familles entretient en permanence l’attache à d’autres régions du monde et le cosmopolitisme des références » (Adam, 2010). Cette dispersion est le résultat des migrations secondaires, ou des migrations scolaires des enfants ; elle favoriserait et entretiendrait par ailleurs les réseaux industriels, commerciaux et financiers ; de sorte qu’un des problèmes des migrants indiens en Afrique « est de découvrir le moyen de faire coexister les multiples composantes tout en respectant leurs devoirs de citoyen et les lois de leurs pays d’accueil » (Adam 2010 : 6).  Il s’agit donc là de vraies diasporas, au sens que Singaverelou (2003) donne à ce concept, c’est à dire qu’ils  sont à la fois « citoyens de leur pays et citoyens du monde ».

Les migrations actuelles des Indiens en Afrique sont favorisées par les nouvelles relations indo-africaines. En effet, comme la Chine, l’Inde cherche elle aussi une plus grande présence en Afrique, notamment  pour des raisons d’accès aux matières premières. Les Etats africains pour leur part s’allient à l’Inde pour, comme c’est le cas avec la Chine, s’affranchir des partenaires qui sont trop regardant, notamment en ce qui concerne  le respect des droits de l’homme. Depuis le Forum Inde-Afrique du 8 au 9 avril 2008, l’Inde a pleinement affirmé son souci d’assurer sa présence en Afrique, pour les mêmes raisons, mais avec une politique différente à celle de la Chine. La stratégie de l’Inde se concentrerait sur le renforcement des capacités et des ressources humaines sur place, le transfert de technologies intermédiaires, l’aide à l’agriculture et aux industries connexes. Pour Gutmann (2008), il s’agit  « d’un contre-modèle à la coopération chinoise, plus durable et respectueux des spécificités et attentes de l’Afrique en matière de développement ».

Le tableau n° 2 qui suit donne les effectifs des immigrants indiens résultants survivants enregistrés dans quelques pays d’Afrique.

 

Tableau n°2 : Les immigrants indiens dans quelques pays de l’Afrique de l’Est

 

Pays

Nombre

Population de 2011 (en millions)

Pourcentage des immigrants indiens par rapport à la population de 2011

Ouganda

12 000

35,6

0,03

Zimbabwe

16 700

13,0

0,13

Afrique du Sud

1 000 000

50,7

1,97

Mozambique

20 870

24,5

0,09

Zambie

13 000

13,1

0,10

Madagascar

29 000

21,1

0,14

Tanzanie

90 000

47,7

0,19

Kenya

102 500

42,7

0,24

Libye

12 400

6,5

0,19

Maurice

715 800

1,3

55,1

Réunion

220 000

0,8

26,2

Source : High Level Commission on the Indian Diaspora, dans Cathérine Wehtol de Wenden (2009); UNFPA (2012).

 

Que sait-on des migrations africaines en Inde ? Peu de choses sinon qu’il  existe des communautés d’origine africaine méconnues dans certains pays asiatiques, y compris en Inde. Dans un article récent, De Silva Jayasunya (2011) évoque le cas des descendants d’anciens soldats et esclaves africains, principalement du Mozambique et du Madagascar, qui vivent au Sri Lanka. Ils seraient arrivés dans les îles indiennes à cause de l’esclavage, ou recrutés comme des soldats, ou comme des migrants libres. Vers le 17ème siècle De Silva Jayasunya (2011) parle de 12 millions qui seraient dispersés à travers les villages, où ils vivent dans la marginalité, tandis que ceux qui sont dans les villes sont intégrés et dispersés dans le cosmopolitisme asiatique.  Leur mobilité sociale, leurs mariages exogamiques et leur conversion religieuse ont favorisé leur assimilation, même s’ils auraient gardé quelques éléments de leur culture, notamment la dance, la musique et les éléments des langues. Ces communautés afro-asiatiques sont largement méconnues comme telles et il n’existe pas de statistiques les concernant (De Silva Jayasunya, 2011).

 

5.4. Les migrations des Libanais en Afrique

 

La diaspora libanaise est une des plus importantes au monde : alors qu’on en comptait plus ou moins 1 million en 1930 (Amir Abdulkarim (1994), le nombre d’immigrants libanais auraient atteint, en 2007, entre 5 à 8 millions,  dispersés à travers le monde, dont 1 million au Brésil, 650 000 en Argentine, 300 000 au Vénézuela, 120 000 en Colombie, 110 000 en Arabie Saoudite, et 100 000 en Equateur,  selon le Libanese Emigration Research Center. Ils seraient plus nombreux que la population sédentaire (non-migrante) au Liban (Amir Abdulkarim,  1994).  En Afrique, les migrants libanais sont dans plusieurs pays, dont les plus importants sont la Côte d’Ivoire (130 000 en 2011), le Sénégal (30 000 en 2011), la Sierra Leone (30 000 en 1990), le Nigéria (16 000 en 1990), la Guinée (8 000 en 1990), le Mali (1000 en 2011) (Xavier Auregan, 2012). Ils sont aussi nombreux dans les pays suivants : RD Congo, Centrafrique, Angola, Afrique du Sud, et Gabon (ibidem).

Les tendances plus récentes des migrations libanaises s’expliquent par au moins trois éléments. Le premier est le contexte politique qui les déterminent. En effet, le Liban continue à faire face à des crises politiques, économiques et sociales qui contraignent à l’émigration des libanais. La guerre civile qui a commencé en 1975, et par la suite l’invasion par Israël en 1982 ont contraint de millions de libanais à alimenter, si l’on peut dire, les communautés de migrants dispersés à travers le monde (Amir Abdulkarim, 1994).Ces nouvelles tendances s’inscrivent dans une longue histoire des crises politiques et guerres que le Liban connaît (depuis les années 1840 ) et qui poussent les Libanais à migrer. Entre 1840 et 1860, par exemple, des affrontements entre communautés religieuses ont déstabilisé et appauvri les populations rurales au Liban, et beaucoup de ruraux ont été contraints d’émigrer.

Le deuxième élément,  c’est ce qu’on peut appeler le système migratoire libanais, lequel s’appuie sur un réseau puissant de solidarités familiales, communautaires, confessionnelles et socioculturelles qui permettent de prendre en charge les coûts de la migration, en favorisant les contacts et l’insertion des migrants dans les pays d’accueil.  Cet appui sur les réseaux a permis à plusieurs migrants libanais de commencer par une petite affaire à la dimension d’une boutique pour se retrouver par la suite à la tête d’un empire économico-financiers grâce aux coups de pouce et soutiens multiformes des frères et compatriotes.

Le troisième élément c’est la capacité extraordinaire d’adaptation des migrants libanais dans les nouveaux milieux d’accueil, une adaptation principalement basée sur l’exercice d’activités économiques. Amir Abdulkarim (1994) mentionne, par exemple, leur capacité à nouer des relations d’affaires ou d’amitié avec les populations d’accueil [8], leurs aptitudes et habitudes à parler la ou les langue(s)  du milieu d’accueil. Le résultat de cette insertion socioéconomique plutôt réussie explique que dans certains pays tels que la Côte d’Ivoire, le Sénégal, la Sierra Leone et bien d’autres l’économie nationale, le commerce des biens et services, sont plutôt régis par les migrants libanais, qui sont en conséquence de temps en temps l’objet d’accusations et même de jalousie de la part des autochtones.

 

5.5. Les migrations entre l’Afrique et l’Amérique du sud

 

L’immigration des Africains au Brésil et en Argentine présente au moins trois similarités.  La première est qu’elle est généralement effectuée par des migrants illégaux qui vont dans ces pays un peu par aventure, parfois à bord des bateaux cargos, et avec entre autres pour but, pour certains, de poursuivre leurs cheminements jusqu’aux Etats-Unis ou au Canada (CPOEA, 2010).  La deuxième est qu’elle semble facilitée voire tolérée par une série de facteurs historiques ou économiques. Et la troisième est qu’elle est soit récente, soit qu’elle connaît une récente intensification.    

L’immigration des Africains au Brésil s’est développée dans un contexte que l’on pourrait qualifier de reconnaissance et de valorisation de l’apport de l’Afrique à l’économie brésilienne. Cet apport a d’abord été celui de la main-d’œuvre en provenance de l’Afrique pour travailler dans les plantations de café notamment. Il en a résulté que les Africains ont occupé une place primordiale dans le peuplement du Brésil : ils étaient plus de la moitié de la population du Brésil (1 930 000 sur 3 800 000) au moment de l’indépendance du Brésil (1817-1818). (Peixoto, n.d.). Cet apport s’est ensuite caractérisé par la reconnaissance de l’identité culturelle entre l’Afrique et le Brésil. Au nom de cette identité, le Brésil a appuyer les descendants brésiliens vivant en Afrique ; il a fait l’éloge de l’intégration raciale ; il a proposé aux pays africains  le modèle de développement brésilien, à savoir « une civilisation tropicale qui a résussi à s’industrialiser » (Peixoto, ibidem).

Pour toutes ces raisons, le Brésil se présente comme un lieu d’immigration « naturel » pour les migrants africains. Dès lors, les difficultés actuelles qu’ont les Africains à migrer en Europe et qui les pousse à chercher de nouvelles destinations ; une politique brésilienne d’octroi du statut de réfugiés plutôt souple ; la présence séculaire de migrants ascendants africains au Brésil (à la suite de l’esclavage) qui facilite l’insertion des nouveaux-venus ;  et bien sûr l’expansion économique du Brésil et son intérêt sur l’Afrique (Rico, 2011), sont autant de facteurs qui favorisent l’immigration des Africains au Brésil. Aussi y observe-t-on la présence d’un nombre de plus en plus élevé de migrants africains, en provenance surtout de l’Angola, du Mozambique, du Cap-Vert, de la Guinée-Bissau, du Nigéria, de la RD Congo. Les seuls étudiants en provenance du Cap-Vert y seraient au nombre de 2 000 dans les universités brésiliennes (2011), pour ne citer que ce cas.

Outre le Brésil, l’Argentine est cet autre pays de l’Amérique du Sud qui accueille un nombre important de migrants africains, mais aussi asiatiques, notamment les Chinois (Observatoire ACP, 2012). Il semble que les premiers migrants africains sont arrivés en Argentine à la fin des années 1990 et au début de 2000. D’après la CONARE (Commission Nationale de Réfugiés en Argentine), ces migrants seraient venus de la Guinée Conakry, du Ghana, du Cameroun, du Libéria, de la RD Congo, du Nigéria, de la Sierra-Leone, mais surtout du Sénégal.  Minvielle (2010) les décrit comme étant  des personnes qui avaient déjà une certaine expérience migratoire, et dont l’Argentine n’était pour certains qu’un pays de transit pour aller vers les Etats-Unis. Ces primo-migrants, qui étaient intellectuels, joueurs de football, artistes, … ont cependant connu des difficultés d’insertion. Beaucoup d’entre eux ont dû procéder à une reconversion professionnelle pour s’intégrer en Argentine (Minvielle, 2010).

Depuis le milieu des années 2000, des  migrants de deuxième génération ont rejoint les premiers migrants, grâce aux réseaux migratoires familiaux et religieux, notamment le réseau de la confrérie mouride. En effet, de nouveaux migrants mourides ont été accueillis et logés par les premiers migrants ; ils ont bénéficié de leur part des prêts de marchandises pour qu’ils se lancent dans le petit commerce de la rue. Ils ne pouvaient pas espérer mieux, étant donné leur manque de qualification professionnelle, leur faible méconnaissance de la société argentine, et de l’hostilité du milieu d’accueil.

Ces migrants africains en Argentine se distinguent par leur attachement à leur culture, notamment à leur religion, et à leurs pays d’origine, à travers les transferts des fonds ; ils se distinguent aussi par le transnationalisme (Minvielle, 2010) comme on a pu le voir dans le cas des migrants indiens en Afrique. Il apparaît donc que les difficultés d’insertion que rencontrent les migrants africains, et d’autres, favorisent les migrations circulaires, la transnationalité, et ce que nous appelons dans nos travaux l’ubiquité résidentielle, c’est-à-dire le fait de demeurer présent dans son lieu d’origine tout en étant physiquement absent (Lututala, 1989).

 

6. Liens entre migrations intra et extra-régionales dans le Sud

 

Les liens entre les migrations intra et extra-régionales peuvent être analysés à travers quatre éléments : les cheminements migratoires, les causes respectives de ces migrations, les caractéristiques des migrants intra et extra-régionaux,  et le parcours migratoire (Adepoju, 1984 ; Sall, 2010).

 

6.1. Les migrations intra-régionales dans les cheminements des migrations extra-régionales

 

Il s’agit de vérifier si certaines migrations intra-régionales sont des étapes des migrations extra-régionales (Sall, 2010) ou inter-régionales. Pour y procéder, il faudrait analyser les données sur les cheminements migratoires des migrants extra-régionaux dans les nouveaux pays d’immigration du Sud.

Les migrations inter- régionales apparaissent comme un aboutissement des migrations intra-régionales successives qui peuvent se faire pendant plusieurs années. Ces migrations intra-régionales s’affichent comme étant des étapes incontournables, lorsqu’elles  permettent aux migrants de réunir les moyens nécessaires pour poursuivre leurs cheminements migratoires. Il s’agit de moyens financiers pour payer le titre de voyage, ou des possibilités pour avoir les visas nécessaires pour entrer dans le pays de destination finale.   Mvuezolo (2010) raconte l’itinéraire d’une migrante congolaise rencontrée à Lusaka et en route pour l’Afrique du sud:

J’ai fait la route jusqu’à Luanda [à partir de Kinshasa]. J’y ai vécue une année, puis je suis venue ici [à Lusaka. Le projet au départ était de partir par route jusqu’en Afrique du Sud, mais je n’ai pas suffisamment d’argent pour payer le voyage, alors j’ai décidé de transiter par ici ; les gens disaient que Lusaka est une bonne ville, alors je suis venue tenter ma chance…(Djenny, Lusaka, 2008, récit rapporté par Mvuezolo (2010).

Les pays de l’Afrique du Nord, accueillent à leur tour un grand nombre de migrants dont la destination finale est les pays du Nord ou les nouveaux pays émergents du Sud, notamment la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Argentine, etc (Honerou, 2007 ; Ndiaye et Robin, 2010).   

Le choix des pays de transit semble se faire selon trois logiques. La première est celle, une fois de plus,  de la proximité géographique. Ainsi, la plupart des migrants se sont d’abord dirigés vers les pays ou villes proches de Kinshasa (Angola, Brazzaville,  La deuxième logique est celle d’une proximité sociologique ou historique, entretenue par les réseaux sociaux qui existent entre les migrants déjà établis dans les pays d’immigration et les membres de leurs familles qui sont restés au pays. Ces migrants sont la courroie de transmission des informations sur les opportunités qui s’y trouvent, ce qui alimente les chaînes migratoires familiales.  Il faut y ajouter cet appel à l’intégration africaine, dont les migrations constituent un des volets, appel matérialisé par les mesures prises pour garantir la libre circulation des personnes et des biens, notamment dans les pays de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). La troisième logique, déjà évoquée aussi, est celle d’espérer avoir plus facilement les visas pour les pays Ratha, D. and William,  S. (2007).

 

6.2. La similarité des motifs des migrations inter et extra-régionales

 

Les liens entre les migrations intra et extra-régionales dans le Sud s’observent aussi à travers leurs causes respectives. Ces causes sont quasiment les mêmes, à savoir les déséquilibres socio-économiques qui existent au sein des pays, entre les pays, et entre les continents. Les déséquilibres au sein des sous-régions orientent les migrants vers les pays de la sous-région, ou vers les autres sous-régions du continent où les possibilités d’emploi sont plus nombreuses, les conditions de vie relativement meilleures que dans les pays d’origine, et les conditions d’immigration plus souples que dans les pays en dehors du continent. Ces pays d’immigration intra-régionale restent attractifs aussi longtemps qu’ils offrent ces meilleures opportunités ; ils perdent leur attractivité et deviennent même des pays d’émigration dans le cas contraire. 

Cependant, les inégalités entre les continents sont telles que les migrations intra-régionales ne permettent pas aux migrants de satisfaire leurs aspirations et d’atteindre leurs objectifs (Ba, 1995), parce que les pays de destination à l’intérieur des continents sont  moins attractifs ; ils se situent à la périphérie d’autres pays périphériques du Sud, pour reprendre les analyses de Samir Amin (1974). C’est en effet le fait de ne pas trouver dans les premiers pays d’immigration du continent les conditions de vie qu’ils recherchent que les migrants poursuivent  leurs cheminements migratoires vers les pays d’autres continents qui offrent les meilleures opportunités.

Vu dans ce sens, les migrations extra-régionales apparaissent comme les occasions pour atteindre les objectifs assignés aux migrations, tandis que les migrations intra-régionales donnent aux migrants les moyens nécessaires pour y parvenir, notamment des opportunités pour avoir des emplois, fussent-ils temporaires, et gagner de l’argent pour pouvoir payer les titres de voyage ; mais aussi des opportunités pour obtenir des visas plus facilement comme on l’a vu. Ils servent aussi de « migrations  d’attente » : les migrants vont dans les pays de transit pour y attendre les billets et les visas que leurs passeurs ou leurs « tuteurs »  leur font parvenir pour effectuer les migrations extra-régionales et les y rejoindre. Il y a donc une sorte de hiérarchisation des causes migratoires.

La complémentarité des causes des migrations intra et extra-régionales a un lien direct avec les conséquences, et les politiques migratoires. En effet, comme cela a été observé entre les migrations internes et les migrations internationales (Adepoju 1984), on peut postuler une relation négative entre les migrations intra-régionales et les migrations extra-régionales : plus il y a de migrations intra-régionales, moins il y aurait de migrations extra-régionales.  A l’inverse, on peut penser que plus il y a des migrations extra-régionales, moins il y aurait de migrations intra-régionales permanentes, les migrations intra-régionales qu’on y observerait n’étant que de migrations de transit.  En effet, les migrations intra-régionales signifieraient l’existence d’opportunités recherchées dans les pays du continent,  et donc une faible propension à sortir de ce dernier, ce qui n’est pas généralement pas le cas.

Ces considérations suggèrent des éléments d’une politique migratoire. Une amélioration du contexte économique et politique du continent africain (augmentation des opportunités d’emplois, amélioration du climat des affaires, paix et sécurité, possibilités d’épanouissement intellectuel, culturel et politique, etc) devrait rendre ce dernier plus attractif, et diminuer encore plus le nombre des migrations extra-régionales. Elle devrait par ailleurs pousser les migrants africains qui sont en dehors du continent, c’est-à-dire la diaspora africaine, à effectuer des migrations de retour, fussent-elles temporaires et circulaires,  pour contribuer, de plus près, à la reconstruction et/ou au développement de leurs pays respectifs.

 

6.3. Les migrants intra-régionaux sont-ils différents des migrants extra-régionaux ?

 

Pour déterminer les liens entre les migrations internes [9] et internationales au Sénégal, Sall (2010) a procédé à une comparaison des caractéristiques des migrants internationaux selon leur parcours migratoire, en distinguant les migrants qui avaient déjà eu à effectuer des migrations internes avant d’effectuer les migrations internationales, y compris les migrations extra-régionales),  et que l’on peut qualifier de migrants secondaires, de ceux qui n’avaient jamais effectué une migration interne avant de se retrouver en dehors de leur sous-région ou région, et que l’on peut qualifier de migrants primaires. Il est arrivé à constater que les migrants primaires étaient relativement plus jeunes et plus instruits, et qu’ils étaient plutôt des jeunes femmes célibataires.  De plus, ils ont surtout migré vers les pays du Nord. Par contre, les migrants secondaires ont surtout migré vers d’autres sous-régions du continent,  sont plus âgés, et sont moins instruites.

Il est difficile d’émettre des hypothèses sur l’ensemble des migrations intra et extra-régionales en Afrique à partir de ces résultats. En effet, comment admettre que les migrants extra-régionaux soient relativement plus instruits alors que les études parlent plutôt de migrants irréguliers qui n’ont pas ou ont peu d’instructions et de qualifications professionnelles, comme on l’a vu dans le cas des migrants africains en Argentine par exemple. Il y a donc nécessité, une fois encore, de mener des enquêtes dans d’autres pays pour vérifier la véracité de cette hypothèse.  

Par ailleurs, si les migrations extra-régionales concernent surtout les jeunes instruits, c’est certainement parce que ces derniers  ne trouvent pas d’emplois ou d’écoles et d’universités dans leurs pays ou dans les pays de leur sous-région ou région. Ceci renvoie à ce phénomène inquiétant d’exode de cerveaux dont l’Afrique souffre déjà et continuera à souffrir (Lututala 2012). Ceci traduit aussi cette politique d’une immigration choisie qui, comme nous l’avons vu dans le cas de la Chine, n’est plus l’apanage des pays d’immigration du Nord, mais aussi est entrain d’être imposée dans les pays d’immigration du Sud.

La création d’emplois doit donc être une des plus grandes priorités, ainsi que, et on ne le dit pas souvent, celle de bonnes écoles et universités pour infléchir la propension à émigrer en dehors du continent, comme nous le montrions ailleurs (Lututala, 2012). La féminisation des migrants extra-régionaux, à ne pas confondre avec la surféminité,  qui est observée au Sénégal et ailleurs en Afrique, nécessite des politiques idoines pour prendre en charge cette catégorie de migrants souvent exposées à toute sorte de brimades et sévices dans les pays de destination et de transit.  Enfin, l’âge relativement élevé des migrants intra-régionaux suggère que ces derniers quittent leurs pays avec une certaine expérience professionnelle, et un certain statut résidentiel et social. Sans doute émigrent-ils malgré eux, et peut-être préfèrent-ils d’aller dans les pays voisins pour ne pas s’éloigner de leurs résidences-bases et d’y retourner aisément et le plus fréquemment possible. Il faudrait donc leur favoriser cette ubiquité résidentielle, en mettant en place ou en application des politiques de libre circulation des personnes et des biens, et des politiques efficaces de réinsertion des migrants de retour dans leurs pays d’origine.

 

Conclusion

 

Les migrations dans le Sud sont surtout des migrations de proximité, effectuées à l’intérieur des sous-régions ou vers des sous-régions voisines. Elles s’expliquent principalement par des motivations économiques, mais aussi à cause des crises politiques et des guerres que connaissent nombre de pays du Sud. Elles sont entretenues, entre autres par les réseaux sociaux qui témoignent d’une proximité sociologique entre les migrants déjà établis dans les pays d’immigration et les membres de leurs familles qui sont dans leurs pays respectifs.

Une faible proportion de migrations du Sud sont extra-régionales.  Elles apparaissent  comme un aboutissement d’une succession de migrations intra-régionales qui peut durer plusieurs années, de transits migratoires qui deviennent incontournables dans un contexte de pauvreté et d’une gestion politique des migrations qui rend difficile l’obtention des visas, même dans les pays du Sud. Mais aussi un contexte de déséquilibres socio-économiques au sein des pays, entre les pays, et entre les continents du Sud.  Ces inégalités sont telles que les migrations intra-régionales ne permettent pas aux migrants de satisfaire toutes leurs aspirations et d’atteindre leurs objectifs. Un de leurs rôles, pour ainsi dire, est donc de procurer aux migrants les moyens nécessaires pour effectuer les migrations extra-régionales : possibilités d’avoir des emplois dans les pays de transit, fussent-ils temporaires, et de  gagner de l’argent pour pouvoir payer les titres de voyage ; opportunités aussi  pour obtenir des visas plus facilement dans ces pays de transit.

L’émergence de nouveaux pays d’immigration dans le Sud, notamment parmi les pays émergents des BRICS, témoigne « de nouveaux équilibres géoéconomiques » dans le monde (Souchaud 2009). Cependant, ces nouveaux pays émergents et d’immigration imposent une nouvelle polarisation des migrations, sans pour autant modifier de fond en comble le contexte politique et économique de leur apparition. Ils développent déjà une intolérance grandissante vis-à-vis des migrants en provenance d’autres pays du Sud. Ils prennent des mesures pour réglementer les immigrations, et certains, notamment l’Afrique du Sud, n’hésitent pas à procéder à des expulsions des immigrants irréguliers en provenance d’autres sous-régions du continent africain.  En ce sens, les migrations dans le Sud  témoignent elles aussi de ce nouveau paradigme d’une contre-mondialisation : alors que la mondialisation rime avec une libre circulation des biens et des personnes, une « contre-mondialisation » empêche ou réglemente cette circulation.  Cette contradiction entre la dimension migratoire de la mondialisation et la gestion politique de ce phénomène justifie l’existence des migrants dits irréguliers, ceux-là même qui se noient dans la mer  ou se retrouvent blottis dans des bateaux cargos en voulant par tous les moyens quitter leurs pays.

Contrairement à ce qu’on observe concernant les migrations Sud-Nord, où la réversibilité migratoire est plutôt faible, - le nombre de migrations Nord-Sud étant plutôt faible, - plusieurs migrants en provenance de nouveaux pays émergents du Sud sont observés dans les pays pauvres du Sud.  Il s’agirait là plutôt de migrations d’exploitation des « matières premières dormantes » et d’un marché commercial qui est encore loin d’être saturé, et ce en dépit des discours sur une lutte commune contre l’impérialisme (cas de la Chine et de l’Inde), ou la nécessité de promouvoir la solidarité et l’intégration africaines (cas de l’Afrique du Sud). Vu dans ce sens, les migrations dans le Sud s’inscrivent elles aussi dans un système économique néo-libérale,  qu’elles reproduisent.

Retracer les motifs des migrations dans le Sud, les nouvelles tendances qui se dessinent, et les liens entre les migrations intra et extra-régionales est une tâche gigantesque, qui nécessite la mise en place d’équipes de recherche régionales voire sous-régionales, et de grandes opérations de collecte de données, pour mieux les aborder. Une telle entreprise nécessite des bases de données plus fiables, recueillies par des  méthodes et définitions plus comparables. En attendant de disposer de telles données, ce chapitre a tenté de brosser ce tableau général qui propose des pistes de recherche que d’autres études devront approfondir.

 

 

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Tableau Annexe 1 : Pourcentage d’immigrants enregistrés selon leurs régions d’origine

 

De

 

 

           A

Océanie

Asie de l’Est

Asie du Sud Est

Asie du Sud

Amérique du Nord

Amérique du Sud

Amérique centrale

Caraïbes

Europe &

Reste de l’Europe

Russie

Moyen Orient et Afrique du Nord

Afrique du Sud

Afrique au Sud du Sahara

Océanie

14

1

1

0

1

0

0

0

1

0

0

0

0

0

Asie l’Est

8

68

19

1

9

3

3

1

2

1

0

0

1

1

Asie du Sud-Est

12

13

52

2

9

0

0

1

4

1

0

4

0

1

Asie du Sud

4

4

9

81

5

1

1

1

6

1

0

38

2

1

Amérique du Nord

3

2

3

2

27

3

11

32

3

1

0

1

1

1

Amérique du Sud

1

6

1

1

5

58

9

7

5

1

0

0

0

1

Amérique Centrale

0

0

0

0

5

1

68

1

0

0

0

0

0

0

Caraïbes

0

0

1

1

12

2

3

39

2

0

0

0

0

1

Europe

40

1

5

3

14

27

3

12

29

12

1

4

7

3

Reste Europe

8

0

1

1

4

2

0

1

14

39

3

6

2

1

Russie

1

2

2

4

2

1

1

2

4

36

93

7

5

2

Moyen Orient & Afrique du Nord

4

2

4

2

4

1

1

1

22

6

1

35

2

4

Afrique du Sud

3

0

1

0

1

0

0

0

3

1

0

0

45

5

Afrique SS

1

0

0

1

2

0

0

0

5

1

0

3

34

80

Total

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

100

Source : Parsons, Skeldon, Walmsey and Winters, 2005, Tableau 10.



10/10/2013
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