Bernard Lututala Mumpasi - Professor/researcher

Bernard Lututala Mumpasi - Professor/researcher

Discours de Lancement du Projet Bus et des Pools Informatiques - Université de Kinshasa, 2008

DISCOURS PRONONCE A LA CÉRÉMONIE DE LANCEMENT DU PROJET BUS ET DES POOLS INFORMATIQUES, VENDREDI 04 JUILLET 2008 A LA SALLE DE PROMOTION DE L’UNIVERSITÉ DE KINSHASA

 

 

Excellence Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs,

 

Je voudrais, avant toute chose, vous exprimer tous nos remerciements pour avoir accepté de venir partager avec nous la joie que nous procure, avec raison, la cérémonie de ce jour. En acceptant notre invitation, vous manifestez là votre attachement non seulement à notre université, mais aussi à ce qui reste, d’après les grands spécialistes de la question congolaise, comme étant le plus grand défi de ce pays, à savoir l’éducation et la formation du Congolais. C’est là le préalable pour que la République Démocratique du Congo sorte enfin de sa léthargie, de l’exploitation dont elle est victime, de l’insécurité récurrente, de la pauvreté, de tous les tares qui semblent lui coller à la peau.

 

Excellences, Mesdames et Messieurs,

 

Nous assistons et participons, ce vendredi 04 juillet 2008, à l’inauguration du « projet bus » et des pools informatiques à l’Université de Kinshasa. En effet, à partir de ce lundi 07 juillet 2008, 8 bus assureront le déplacement des membres de la communauté universitaire, et principalement des étudiants, entre le Rond-Point Ngaba et le Campus de l’Unikin. Les pools informatiques, quant à eux, seront réellement fonctionnels dès la fin de cette cérémonie.

 

L’histoire du projet-bus est fascinante et je me fais le devoir de vous la brosser en peu de mots.  En 2006, Mme Kristien Verb, du Vlir-Uos en Belgique, avait effectué une mission d’identification à l’Université de Kinshasa. Effarée par le spectacle de réquisition des véhicules des particuliers par les étudiants au niveau du Rond-Point Ngaba, elle réalisa que l’accès des étudiants à l’université était un des facteurs qui contribuaient à la faible qualité de leur formation et à leurs piètres conditions de vie. Cette idée fut confortée lors des échanges qu’elle eût avec le Comité de gestion à ce sujet. Ce dernier lui rappela en effet qu’une expérience similaire avait déjà été tentée avec ce qu’on a appelé les bus TRACA (Transport Académique) que feu le Président Mzee Laurent Désiré Kabila avait offert à l’Université de Kinshasa. Le Comité de gestion rappela aussi qu’un tel projet venait à point nommé car l’axe n° 5 du Plan Stratégique pour la réhabilitation et la revitalisation de l’Université de Kinshasa porte sur « l’amélioration de la qualité de la vie universitaire en rendant le campus universitaire plus attrayant et accessible et ses infrastructures plus fonctionnelles ».

 

Après ces échanges, le Vlir-Uos a soumis ce « projet bus » aux autorités et institutions belges  jusqu’au plus haut niveau de l’Etat, notamment le Ministre belge de la Coopération ; il s’est mis à le défendre avec conviction et acharnement et a fini par les convaincre de la pertinence du projet. Par la suite, le Vlir-Uos a envoyé une mission pour venir discuter avec le Comité de gestion de la faisabilité, des mécanismes de fonctionnement et de la rentabilisation de ce projet. Après plusieurs échanges, la rédaction du projet a été achevée et ce dernier a été accepté. Il restait maintenant de préciser les caractéristiques des bus que nous voulions, de trouver un fournisseur, et de suivre l’envoi, l’exonération, le dédouanement, l’entreposage de ces bus. Ici, c’est la Commission Technique Belge (CTB) qui nous a si bien accompagné pour gagner le défi de ces activités et opérations. Il restait enfin à préciser, dans une décision rectorale, les modalités de fonctionnement et de gestion de ce projet, à recruter et former l’équipe qui sera chargée de gérer ce projet (gestionnaires, chauffeurs, caissiers, contrôleurs, etc), à les former auprès de l’Entreprise Tata, et à les sensibiliser sur la délicatesse de la tâche qui les attend.

 

Quant aux pools informatiques, le Plan Stratégique dans son Axe n° 1 , Objectif n° 5 a prévu l’Action stratégique n° 2 : « Mieux équiper les facultés et les écoles, et encourager l’utilisation des NTIC dans les cours et les séminaires qui sont offerts par l’Université ». 

 

Excellences, Mesdames et Messieurs

 

A travers cette historique, vous aurez compris que ce projet est une grande première dans l’histoire de la coopération entre notre université et la Belgique, que plusieurs personnes et institutions se sont impliquées pour qu’il aboutisse, que des garanties importantes ont été données pour qu’on en arrive à ce jour. C’est pourquoi je dois, au nom de toute la communauté universitaire de l’Unikin, remercier très chaleureusement et très sincèrement les Autorités belges à tous les niveaux, qui ont cru en ce projet et l’ont accordé. Pour moi, il n’y a pas meilleure preuve de l’estime dont notre université et peut-être aussi notre Comité de gestion jouissent auprès de ces Autorités, tant il est vrai qu’en matière de coopération, on ne donne qu’à celui qui est crédible. Nos remerciements vont aussi au Vlir-Uos, avec un accent particulier à Mme Kristein, pour cet engagement et tous les efforts qui ont été déployés pour que ce projet qui était à sa genèse un rêve, devienne aujourd’hui une réalité.

 

Je dois aussi remercier la CTB qui nous a si bien accompagné dans la phase de la matérialisation de ce projet, notamment la passation des commandes, le transport maritime, le dédouanement, l’entreposage, et j’en passe. Les nombreuses réunions que nous avons eues ont fini par payer ! 

 

Du côté congolais, je voudrais remercier notre Gouvernement. D’abord notre Ministère et Ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire qui a intercédé pour nous auprès des ministères compétents pour nous faciliter la tâche. Ensuite notre Ministère des finances qui nous a accordé non sans peine et tergiversations l’exonération qui a permis de sortir les bus de la douane et du port. Au niveau du Gouvernement provincial, je voudrais remercier Monsieur le Gouverneur lui-même et le Ministre des transports pour avoir accordé les autorisations de circulation de ces bus et les lieux qui serviront de parking. Je ne peux terminer ce chapelet de remerciements sans évoquer la détermination avec laquelle tous les membres du Comité de gestion et l’équipe de notre Cellule de gestion de la coopération se sont investis pour que ce projet aboutisse et reste indiscutablement une des actions les plus éclatantes de notre mandat à la tête de cette université. 

 

Chers membres de la Communauté universitaire, puis-je vous demander d’applaudir avec moi tous ces acteurs qui ont rendu possible l’aboutissement de ce projet.

 

Excellences, Mesdames et Messieurs,

 

Je viens de parler de l’aboutissement de ce projet. En fait, il s’agit plutôt d’un démarrage qui nous met face à d’énormes responsabilités. Il nous faut en effet assurer à ces bus une longévité. Nous devons même mettre en place des mécanismes qui permettent une pérennisation du projet. Il est question, à ce sujet, que ces bus soient lucratifs et génèrent un fonds d’amortissement qui permettra de réinvestir et d’augmenter ou remplacer le parc automobile. Il faut donc nous assurer que les bus sont bien conduits, que les chauffeurs qui ont été commis à cette tâche sont compétents, que les gestionnaires gèrent efficacement le projet, etc. En réalité, nous sommes entrain d’assister à la création d’une véritable AGR (Activité Génératrice de Revenues), une entreprise de transport académique qui pourrait faire école dans les milieux universitaires de notre pays. Nos ambitions sont en effet grandes. Si pour le moment ces bus ne desserviront que le tronçon Rond-Point Ngaba – Unikin, nous rêvons d’en avoir suffisamment, grâce aux bénéfices d’exploitation qui seront générées, pour allonger et diversifier ce tronçon et commencer à servir des tronçons tels que Victoire-Unikin, UPN-Unikin, Pascal-Unikin, pour ne citer que ceux-là.  L’Université de Kinshasa pourrait même développer par là une société de transport qui desservirait non seulement les étudiants, mais aussi toute la population kinoise.  Cette entreprise de transport deviendrait alors une des plus importantes sources de financement de notre université qui en a tant besoin pour se reconstruire, et qui ne peut tout recevoir de l’Etat congolais.

 

C’est ici l’occasion d’interpeller toute l’équipe du projet pour qu’elle prenne les tâches qui vont lui être confiées très au sérieux. Le Vlir-Uos, la CTB et le Comité de gestion ont pris toutes les dispositions nécessaires pour que nous n’assistions pas, dans quelques mois à peine, à la circulation des bus qui ne le seraient plus que de nom, à défaut de n’être que des carcasses garées à jamais dans ce qui deviendra petit à petit un cimetière. Une telle situation serait une démonstration auprès de nos partenaires de notre incapacité de gérer des projets bancables de grande portée. A l’inverse, si ce projet-bus est bien exécuté et s’il produit d’autres bus, je suis convaincu qu’il servira d’exemple et persuadera nos partenaires à nous assister dans nos efforts de reconstruire l’Université de Kinshasa et d’en faire, ou d’en refaire, une vraie université. 

 

Mais ce défi ne pourra être gagné que si les étudiants protègent ces bus comme un œuf et les considèrent comme un patrimoine collectif et utile pour eux, d’abord. C’est là un des éléments qui sont mentionnés dans les « hypothèses et risques » du cadre logique de ce projet. En 2004, ce sont les étudiants qui ont brûlé l’un des bus TRACA ; ce souvenir a failli décourager nos partenaires pour accepter ce projet. Et il y a quelques mois un collègue Recteur d’une université se moquait de moi parce que, disait-il, je venais de m’ajouter d’autres problèmes de gestion que les étudiants allaient me créer avec l’exploitation de ces bus. Je voudrais faire appel ici à la grandeur et la sagesse de nos étudiants, à leur patriotisme, leur loyauté et leur attachement à leur Université de Kinshasa. Leur implication dans les structures de contrôle du projet constitue pour nous une garantie quant à l’appropriation qu’ils feront de ce projet. Mais c’est aussi leur comportement dans les bus, avec les chauffeurs et contrôleurs, et j’en passe qui sera déterminant pour la rentabilisation de ce projet.

 

Ce que je viens de dire des Bus est aussi valable pour les parcs informatiques. Ces ordinateurs sont mis à la disposition des étudiants comme outils didactiques, tant il est vrai que la méconnaissance de l’informatique est aujourd’hui considérée comme étant de l’analphabétisme. On ne peut donc imaginer une université où l’ordinateur fait l’exception et le stylo la règle. Au contraire, nous devons rêver du jour où chaque étudiant synthétisera ses notes avec son PC, se branchera sur Internet à partir de sa chambre, fera ses exercices de statistiques et d’analyse des données à partir des logiciels stockés dans son ordinateur. Dans le domaine de la science en effet, il n’y a pas de demi-mesure : où on est scientifique où on ne l’est pas ; soit qu’on est une université, soit qu’on ne l’est pas et auquel cas il faut arrêter de tricher avec la noblesse de ce Temple du savoir. Que Messieurs les Doyens et tous les membres des Bureaux Facultaires prennent donc à cœur la protection de ces ordinateurs pour que demain nous en ayons encore plus. Ici aussi, la présence des étudiants dans les structures de gestion de ces ordinateurs nous rassure quelque peu. Soit dit en passant, le Vlir-Uos nous aurait donné 1000 ordinateurs (au lieu des 300 qui sont dans les pools informatiques), si nous avions de l’espace dans nos bâtiments facultaires. 

 

Excellences, Mesdames et Messieurs,

 

Les projets que nous inaugurons ce jour sont un symbole de l’intérêt et la bonne considération dont l’Université de Kinshasa bénéficie de plus en plus, ainsi que de son ouverture au monde.  En effet, depuis l’an 2000 et particulièrement la Table ronde qui a réuni les universités belges et l’Unikin en 2005, notre université a retrouvé sa place dans le concert des universités du monde, même si elle est encore à la queue du peloton. Elle accueille chaque année des dizaines de Professeurs belges, mais aussi américains, anglais, canadiens, français, allemands qui viennent assurer leurs enseignements dans la plus grande discrétion et simplicité qui caractérise tout bon scientifique, et loin du regard critique de nos médias qui ne s’intéressent qu’à ce qui ne va pas.  

 

L’Université de Kinshasa réalise aussi d’importants programmes de recherche ensemble avec les Professeurs et chercheurs des universités belges. Avec le Vlir, 13 nouveaux projets viennent d’être financés et seront exécutés en partenariat avec les universités flamandes belges. Avec la Cud, un nouveau programme de coopération a démarré ce 1er juillet 2008 et va courir jusqu’en 2012. Ce programme remplace celui qui venait de prendre fin et qui a été, d’après les évaluateurs, merveilleusement exécuté entre 2003 et 2007. Il porte sur des projets d’un intérêt capital pour notre pays, notamment la biologie moléculaire, les sciences sociales et la pauvreté, la maintenance des équipements, la radio-université, etc. L’Université de Kinshasa fait par ailleurs partie d’un consortium d’une quarantaine d’universités européennes et africaines, dont 12 d’Afrique.

 

Signalons aussi que de nouveaux programmes voient le jour et redonnent de la valeur à notre université : l’ERAIFT, le NPTCI (Nouveau Programme de Troisième Cycle Inter-universitaire en Économie), le programme Financé par l’ACBF pour 2,5 millions de dollars et pour 5 ans, et j’en passe. Cette affluence des nouveaux programmes repose le problème des infrastructures dans cette université. C’est pourquoi, l’Université doit se lancer maintenant dans la phase de construction de nouvelles infrastructures : amphithéâtres, auditoires, bureaux des professeurs, bâtiments et bibliothèques facultaires, restaurants universitaires, complexe commercial, hôtel de l’université, complexe sportif, école de langue, et j’en passe. Nous espérons qu’une attention sera accordée à cette demande dans le cadre des « 5 chantiers du Gouvernement ».

 

Excellences, Mesdames et Messieurs,

 

Je termine par m’excuser d’avoir été long. Mais la hauteur et la signification de l’évènement l’exigeaient. J’ai en effet voulu saisir cette occasion, ce d’autant plus que le Recteur n’a plus d’occasion de s’adresser à la communauté universitaire et aux partenaires, pour démontrer que l’Université de Kinshasa reste la plus grande université de ce pays, et qu’elle se bat pour « se maintenir dans la ligne d’excellence tracée par ses fondateurs, et pour offrir à ses étudiants un  enseignement et une formation guidés par la créativité, l’innovation et l’excellence ». Telle est notre vision telle que contenu dans notre Plan Stratégique. Tous les autres faits regrettables qui caractérisent la vie et le fonctionnement de notre université ne sont que le reflet des maux qu’il faut finir par éradiquer pour reconstruire, au sens plein du mot, cette université.

 

Je vous remercie !

 

 

Professeur Bernard LUTUTALA MUMPASI

Recteur de l’Université de Kinshasa



20/04/2013
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