Bernard Lututala Mumpasi - Professor/researcher

Bernard Lututala Mumpasi - Professor/researcher

Oraison Funèbre Professeur KINZONZI - Université de Kinshasa, 2006

ORAISON FUNEBRE PRONONCEE A  LA CEREMONIE ACADEMIQUE FUNERAIRE DU PROFESSEUR VENANT-PATRICE KINZONZI MVUTUKIDI

 

Notre communauté universitaire rend ce vendredi 1er septembre 2006 un dernier hommage à un homme qui a œuvré avec acharnement pour la grandeur de l’université congolaise en général et de l’Université de Kinshasa en particulier, et pour le rayonnement de la science, et plus particulièrement de la science économique et de gestion, mais aussi de la culture, dans la société congolaise. Cet homme, le Professeur Emerite Venant-Patrice KINZONZI MVUTUKIDI, a en effet tiré sa révérence le samedi 26 août 2006 vers une (1) heure du matin après un malaise brusque et profond qu’il eût autour de vingt (20) heures cette même soirée. Dieu l’a rappelé à lui et nous ne pouvons que nous prosterner devant sa décision. Il, notre Dieu, vient de ce fait nous rappeler une fois de plus son omniscience, et en même temps, les limites de notre science, parce qu’elle n’arrive pas encore à pénétrer le mystère de la mort. Il l’a tiré de notre affection, et de celle de sa famille, à qui l’Université de Kinshasa présente ses condoléances les plus attristées.

La mort de tout membre de notre communauté universitaire doit nous affliger. L’étudiant qui meurt constitue un investissement perdu pour sa famille, pour notre pays, et pour notre université qui se sera évertuée à le former. Celle d’un agent administratif, qui qu’il soit, compromet sérieusement le fonctionnement de l’université. Celle d’un Enseignant, surtout lorsqu’il s’agit d’un Professeur, l’est tout autant et constitue en plus une lourde perte difficile voire impossible à combler. Elle nous plonge dans une sorte de désespoir, mais aussi de révolte. Car elle contribue, si le renouvellement n’est pas assuré, au dépérissement de l’université elle-même. C’est pourquoi, notre communauté doit analyser les circonstances qui précipitent ses membres à la mort et à un rythme aussi effarant, en tirer les leçons, et s’assumer. Si notre université est là pour éclairer et proposer des solutions à la société, qu’elle commence donc à le faire pour sa propre communauté de près de 40 000 personnes ! Si elle assiste passivement à ce drame qui prive le pays de ses savants, elle sera taxée tôt ou tard de complicité dans le néo-colonialisme intellectuel et scientifique qui pointe à l’horizon de notre pays et le menace, dans la disparition imminente de son université. Elle sera accusée de n’avoir pas valorisé, rentabilisé et mis la science au service  de la communauté nationale et de sa propre communauté. Elle perdra ainsi le peu de crédit qui lui reste encore.

Le Professeur KINZONZI nous quitte au grade de Professeur Emerite. Il a donc atteint le sommet de sa carrière académique. Il a servi son université pendant … années, soit depuis 19..., année au cours de laquelle il fut nommé Assistant dans notre université. En tant que tel, tout en regrettant sa disparition, nous devons lui témoigner la reconnaissance de toute la communauté universitaire. Aussi son cursus académique devient-il un objet de recherche, et de méditation ; une sorte de sève vivifiante, de miroir pour nous membres de la communauté universitaire qui vivons encore et devons poursuivre l’œuvre qu’il n’a pas achevée. Il est aussi un témoignage de ce que tout compte fait, la vie ne vaut que ce que nous en faisons chaque jour, et que seuls ceux et celles qui la consacrent à ce que les autres appelleraient des hauts faits d’armes demeureront immortels de par leurs bonnes œuvres.

La grandeur d’une université résulte, à mes yeux, de la qualité de ses membres, de leur rayonnement dans le monde scientifique national et international, de leur contribution au dynamisme et au fonctionnement de leur université ainsi qu’au développement de leurs sociétés et pays, du respect qu’ils ont pour les valeurs universitaires, à savoir l’objectivité, l’esprit critique, l’amour du travail, la production des connaissances originales, et j’en passe. Le Professeur KINZONZI avait en lui ces qualités. Il a contribué à la formation des étudiants en Sciences Economiques et de Gestion dans la quasi-totalité d’établissements : l’UNIKIN (Université de Kinshasa) évidemment, l’ISC (Institut Supérieure de Commerce), l’Université Kongo, l’ULK (Université Libre de Kinshasa), l’ISC (Institut Supérieure de Commerce) Matadi, l’ISP (Institut Supérieure Pédagogique) Mbanza-Ngungu, … Il avait, dans tous ces établissements, une charge horaire impressionnante, dont lui seul avait le secret de comment s’organiser pour assurer tous ces enseignements. Son rayonnement scientifique a dépassé les frontières nationales : il a initié des axes de collaboration avec des collègues des universités du Nord, notamment ceux de l’Université Catholique de Louvain (UCL) avec lesquels il a co-organisé des rencontres scientifiques internationales, et co-dirigé plusieurs thèses de doctorat. A ce propos, il faut reconnaître son combat pour dégeler les relations entre l’Université de Kinshasa et les universités belges, notamment l’UCL. Le Professeur KINZONZI s’est aussi illustré dans la mise à contribution de la science au développement de notre pays, notamment à travers la mise au point du Plan Comptable Congolais, et du Centre Permanent de la Comptabilité au Congo (CPCC). Ceci nous sera sans doute rappelé tout à l’heure devant la faculté. Il a su allier de façon remarquable la recherche et l’enseignement, meublant ses cours des résultats de ses recherches principalement, comme il se doit dans toute université et chez tout Professeur.

Quant au dynamisme de l’université, on retiendra du Professeur KINZONZI sa préoccupation constante de garantir la relève académique. Il a pu identifier les meilleurs de ses étudiants, qu’il a réellement encadré pour les conduire à la thèse de doctorat. Il s’est battu bec et ongles pour leur trouver des bourses d’études ou des facilités de recherche, et les a associé dans ses propres recherches pour les initier. Il ne lui restait, me répétait-il, qu’un Assistant à faire aboutir au doctorat avant de clamer « Mission accomplie ». Nous rendons hommage au Professeur KINZONZI qui a entendu la sonnette d’alarme et a fait sienne la décision du Comité de Gestion de faire de la relève académique la priorité de son Plan de réhabilitation et de redynamisation.

Si le Professeur KINZONZI a pu développer et revêtir en lui ces qualités qui ont contribué à la grandeur de l’Université de Kinshasa, c’est, me semble-t-il, parce qu’il avait une haute considération pour l’université. Son attachement à celle-ci me paraît hors du commun. En effet, malgré les multiples fonctions politiques qu’il a occupées et même durant ces fonctions, le Professeur KINZONZI est resté attaché à l’université, jaloux de ses enseignements, fiers de ses Assistants et soucieux de leur avancement, préoccupés par la qualité de ses étudiants. Il n’a jamais craché sur l’université. Au contraire, celle-ci constituait pour lui l’instrument le plus puissant pour développer la RDC (République Démocratique du Congo). Je vois en cela une vocation. Oui, le Professeur KINZONZI a fait de la formation et de la recherche scientifique une vocation, qu’il a assumé quel qu’en était le prix, et en étant fier de le faire, sans cultiver un quelconque complexe d’infériorité vis-à-vis des autres, de ceux qui nous clochardisent parce que, comme disait Jésus, ils ne savent pas ce qu’ils font, le tort qu’ils causent à notre pays, à notre jeunesse, à notre population.

La mort du Professeur KINZONZI nous attriste bien évidemment. Car elle marque la fin de son oeuvre remarquable de formation et de recherche. C’est pour cela que nous devons nous sentir interpellés. D’abord, les Professeurs de la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG), pour prendre en charge ses enseignements et poursuivre ses pistes de recherche. Et pour s’engager, tel qu’il l’a fait avec empressement, comme s’il redoutait une disparition précoce, dans l’encadrement des Assistants qui devront poursuivre notre œuvre commune. Je demande aussi aux Assistants de la FASEG de se sentir interpellés, car vous avez la lourde tâche d’assurer la survie et le dynamisme de cette université, pour remplacer les maîtres, tel le Professeur KINZONZI que nous pleurons aujourd’hui, qui nous quittent après avoir tout donné pour vous, pour vous faire accepter comme membres de cette communauté universitaire, vous faire admettre dans la communauté des savants.

Je ne peux pas ne pas interpeller nos Etudiants, qui ne comprenez pas toujours que votre application, votre bonne assimilation des connaissances qui vous sont transmises, votre comportement exemplaire dans la société et sur le site universitaire, font la fierté de vos Professeurs et leur redonnent force et vigueur, mais aussi joie et satisfaction pour accomplir l’œuvre qu’ils réalisent en vous, et pour vous. Par contre, vos égarements, votre refus des valeurs universitaires, votre refus d’apprendre, de vous former pour assumer demain les lourdes charges de ce pays et de cette université qui vous attendent, votre manque de respect et de considération vis-à-vis de vos Professeurs qui se dépensent pour vous, … tout cela, chers étudiantes et étudiants, tuent vos Professeurs de honte, d’amertume, mais aussi physiquement à petit feu. Je voudrais témoigner ici, parce qu’il me l’a dit plusieurs fois, que le Professeur KINZONZI a beaucoup souffert du comportement et de la qualité de nos étudiants, et vient d’être emporté par ce souci qui l’habitait continuellement, nuit et jour, de former d’excellents comptables et gestionnaires. Il avait la triste impression de prêcher dans le désert. C’est, m’a-t-il dit un jour, une des raisons pour lesquelles il a demandé son éméritat précocement, à 60 ans, quoique après 25 ans de prestations !

 

Cher Professeur KINZONZI,

 

J’ai essayé de trouver des mots justes pour traduire les sentiments de tristesse des membres de la communauté, mais aussi leurs hommages pour l’oeuvre que tu as accompli au sein de notre université. Je n’avais jamais imaginé qu’elle me reviendrait à moi cette lourde tâche de le faire. Je ne sais pas si je l’ai réussi tant ton œuvre était grandiose, et complexe. La Nation entière te rendra les hommages trois (3) jours durant. Parce que tu l’as servi à divers titres. Mais c’est ton université qui donne le ton, parce qu’elle était au-dessus de tout pour toi. L’université congolaise en général et l’Université de Kinshasa, ton université, en particulier, s’emploieront à perpétuer ton œuvre scientifique, à approfondir tes problématiques de recherche, à scruter autour de tes hypothèses. Les Assistants que tu as conduits à la thèse et qui sont aujourd’hui Docteurs ou en voie de l’être demeureront tes disciplines. Tes publications scientifiques, tes notes de cours, et d’autres écrits de ta plume te rendent immortel dans notre monde scientifique. Et nous savons que d’autres œuvres tels que le CPCC et, j’ai failli l’oublier, ton Los Nikelos, te rendent aussi immortel dans notre société. C’est pourquoi, te sachant toujours parmi nous, et désormais élément de notre conscience, il ne nous reste plus qu’à prier pour que Dieu t’accueille dans son Royaume, et qu’à supplier nos ancêtres pour que leur terre, notre terre, te soit douce et légère.

 

 

Professeur Bernard LUTUTALA MUMPASI

Recteur de l'Université de Kinshasa



24/08/2013
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