Bernard Lututala Mumpasi - Professor/researcher

Bernard Lututala Mumpasi - Professor/researcher

Oraison Funèbre Professeur KALONGO MBIKAYI - Université de Kinshasa, 2008

ORAISON FUNEBRE DU RECTEUR DE L’UNIVERSITE DE KINSHASA, LE PROFESSEUR BERNARD LUTUTALA MUMPASI A LA CEREMONIE ACADEMIQUE EN HOMMAGE AU PROFESSEUR KALONGO MBIKAYI BONAVENTURE OLIVIER

 

L’année 2008, dont nous venions tous de fêter la venue, en formulant des vœux de bonne santé et de bonheur pour tous les membres de notre communauté, s’ouvre malheureusement à l’Université de Kinshasa par cette triste disparition d’un de nos illustres Professeurs, j’ai cité le Professeur KALONGO MBIKAYI Bonaventure Olivier, que nous pleurons aujourd’hui. Nos vœux et nos prières n’auront pas suffi pour arrêter, voire éloigner, l’hécatombe qui frappe notre université. Me voilà donc obligé de prononcer, une fois de plus et avec un cœur fort meurtri, cette oraison funèbre pour rendre un dernier hommage à cet éminent membre de notre communauté universitaire. Une oraison funèbre au cours de laquelle je voudrais nous inviter à davantage de méditation sur ce sort commun qui nous attend.

Ce sort commun est bien sûr cette fatalité, celle de quitter un jour cette terre des hommes. Et ce, qui que nous soyons, qui que nous aurons été, et quel que soit notre acharnement à nous accrocher à la vie. Il s’agit d’une évidence que nous connaissons tout en la redoutant. Et il me paraît superflu d’en dire plus. Je voudrais plutôt m’attarder sur cet autre sort commun qui nous frappe, en tant que membre du corps professoral de cette université congolaise, à savoir la faible longévité et le manque de reconnaissance de la communauté que nous servons jusqu’au sacrifice suprême.

Le Professeur KALONGO MBIKAYI nous quitte à l’âge de 64 ans, à peine. L’hypothèse se vérifie de plus en plus : les professeurs de l’université congolaise et de l’Université de Kinshasa en particulier atteignent et dépassent difficilement le cap de 70 ans. Ainsi, au-delà de la douleur immense que nous ressentons à chaque disparition d’un Professeur, parce que toute mort attriste et est irréparable, c’est la perte relativement précoce de cet investissement scientifique important qu’il était que nous regrettons et déplorons. Une perte qui contribue à la disparition progressive de notre université tant la relève est loin d’être assurée, en nombre mais surtout en qualité. Tout Professeur d’université est en effet un être en qui la nation congolaise, je dirai même la communauté scientifique internationale, auront investi pendant plusieurs années. Des années d’acquisition et de maîtrise du savoir, des années de préparation pour participer à l’avancement de la science, à la mise à la disposition de cette science au service de la nation, pour l’édification d’une société meilleure pour tous.

Le Professeur KALONGO MBIKAYI aura été une véritable architecture du droit civil. En 1967, il est licencié en droit de l’Université Lovanium avec la mention distinction. Une année plus tard, soit en 1968, il obtint, avec distinction, son Diplôme d’Etudes Supérieures (DES) de Droit privé à l’Université Lovanium. Deux ans plus tard, il fut proclamé Docteur à thèse en Droit de l’Université Catholique de Louvain après avoir soutenu sa thèse sur « La Responsabilité Civile et la Socialisation des Risques en Droit comparé zaïrois, belge et français ». Ce fut le couronnement d’une formation qui commença en 1951 à Lubumbashi, soit au total 19 ans de formation. Aujourd’hui, tout cet investissement s’écroule ; et l’Université de Kinshasa et la nation congolaise doivent investir en un autre fils ou fille de ce pays.

La précocité de l’espérance de vie des Professeurs de l’Université de Kinshasa doit interpeller tous ceux qui croient en cette université et en cette nation. A chacun de spéculer sur les raisons qui l’expliquent, mais il est évident que la pluriactivité professionnelle y contribue. On le sait, faute d’une rémunération conséquente, jusque là en tout cas, les Professeurs d’université doivent, pour se maintenir et maintenir leur statut social, mais aussi pour rendre service, se couper en quatre. Le Professeur KALONGO MBIKAYI qui nous quitte n’y a pas échappé. Il enseignait le Droit civil des obligations, le Droit des contrats, la Responsabilité Civile approfondie à notre Faculté de Droit et à celle de l’Université Protestante au Congo (UPC). Il a enseigné le Droit civil à l’Université de Mbuji Mayi, à l’Université Catholique de Bukavu, à l’Université Grands Lacs à Goma, et à l’Institut Supérieur de Commerce (ISC). En même temps, il était le Président de la Commission Permanente de Réforme du Droit Congolais depuis le 28 octobre 2004, Avocat au Barreau près la Cours Suprême de Justice depuis 2003, Membre du Conseil de l’Ordre du Barreau près la Cour d’Appel Kinshasa/Matete, Conseiller émérite et honoraire à la Cour Suprême de Justice depuis 1992. Signalons par ailleurs que le Professeur KALONGO MBIKAYI a été Directeur du Cabinet du Président de la République de 1986 à 1988 et Ministre des Transports et Communications en 1988, Doyen de la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa de 1984 à 1986 puis de 1996 à 1999.

Nous rendons donc hommage à un homme qui a tout donné à l’université et à la nation congolaise. Nos pleurs, nos prières, nos méditations ne suffiront jamais pour l’en remercier. Au moins pourrions-nous prendre l’engagement, devant lui inerte en ce moment, de poursuivre son idéal, son combat, ce à quoi il croyait. Nous devrions pour ce faire nous interroger sur notre pluriactivité professionnelle, afin d’être utile le plus longtemps possible à cette Université de Kinshasa, d’abord, et à l’université congolaise en général ensuite.

 

Honorables, Excellences, Mesdames et Messieurs,

 

Le Professeur KALONGO MBIKAYI est mort dans une clinique privée de la cité, alors qu’en tant que Professeur de cette université, c’est auprès de nos Cliniques Universitaires qu’il devrait chercher les soins appropriés. Il est temps que nos Cliniques Universitaires se ressaisissent quant à leur mission première par rapport aux membres de notre communauté universitaire.  Ceux-ci doivent être les premiers bénéficiaires des services rendus aux Cliniques Universitaires ; et par conséquent se préoccuper, où qu’ils se trouvent, de la qualité des services rendus par nos cliniques et des moyens conséquents à leur allouer.

 

Cher Professeur KALONGO MBIKAYI,

 

Au moment où je prononce cette oraison funèbre, j’ai présent à l’esprit nos dernières discussions, au Rectorat où vous étiez venu me rencontrer, sur l’organisation et le déroulement des études de DES à la Faculté de Droit. Lors de ces discussions, j’ai découvert en vous un Professeur fortement préoccupé par la qualité et la solidité de la formation que nous devons dispenser à nos étudiants et nos apprenants. Vous m’aviez promis de mettre tout en œuvre pour que ce programme, que vous coordonniez, soit très solide. J’en suis resté marqué !

Marqué par votre souci de vous mettre au service de notre université, malgré vos multiples occupations ailleurs, parce que, me disiez-vous, c’est d’abord l’Université de Kinshasa qui est notre Alma Mater. Marqué aussi par votre forte production scientifique que vous nous léguez : 5 ouvrages et 42 articles scientifiques. Marqué par la joie et l’amour que vous aviez en dispensant vos enseignements. Marqué par la simplicité qui vous caractérisait en dépit des titres honorifiques et pas des moindres que vous déteniez : Grand Officier de l’Ordre National des Léopards depuis 1987, Médaille de mérite civique pour services rendus à la magistrature, médaille de mérite civique pour services rendus à l’université.

J’étais aussi marqué par la splendeur et la joie de vivre qui rejaillissait de votre visage, votre sourire, votre belle diction. J’étais loin d’imaginer, face à tous ces atouts, que vous alliez tirer votre révérence sitôt. Dieu l’a ainsi voulu. Reposes donc en paix. L’Université de Kinshasa que vous avez si bien servi ne vous oubliera jamais, à travers vos enseignements, vos publications, vos Assistants dont un bon nombre est aujourd’hui parvenus au grade de Docteur. Vous avez accompli votre mission, reposes donc en paix, même si nous aurions voulu bénéficier encore plus longtemps de vos services. Votre Université prendra soin, dans la mesure de ses moyens, de la veuve et des enfants que vous laissez, et à qui nous présentons toutes nos condoléances, nos encouragements, et que nous portons dans nos prières pour que Dieu les console comme il sait seul le faire.

 

 

Professeur Bernard LUTUTALA MUMPASI

Recteur de l'Université de Kinshasa



24/08/2013
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